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numérique qui représente chaque corps simple dans toutes ses combinaisons, véritable unité chimique qui caractérise l’atome dans ce qu’il a de permanent, de spécifique. Ces grandes lois furent découvertes par la chimie minérale. Sans elles, l’étude de la chimie organique serait demeurée un véritable chaos.

Tous les essais tentés jusqu’à cette découverte pour connaître la composition des matières qui se forment dans les végétaux et les animaux avaient été à peu près infructueux. La méthode empirique n’aboutit à rien, lorsqu’elle n’est pas guidée par une induction sûre et une conception générale. Or les idées relatives aux propriétés des substances organiques étaient aussi fausses que confuses. On avait, il est vrai, remarqué que ces propriétés ne résident pas d’ordinaire dans l’ensemble des corps où on les observe, mais dans certaines parties faciles quelquefois à isoler. Pour séparer ces parties ou essences, les philosophes arabes avaient inventé la distillation. La recherche des essences ou formes se rattachait à la conception métaphysique de la matière que l’antiquité avait admise, et que les écoles scolastiques du moyen âge avaient acceptée comme un legs précieux. Aux yeux de la science antique, la matière jouissait d’une sorte de dualité ; elle comprenait d’une part quelque chose d’immuable, dépourvu de qualités déterminées, mais susceptible de revêtir toutes les qualités, sans mouvement propre, mais capable de recevoir tous les mouvemens, un substratum caché sous les phénomènes, — et d’autre part des essences ou formes qui, s’ajoutant à la matière purement virtuelle, en déterminaient les mouvemens, les apparences, en un mot les propriétés. En comprenant de cette façon la composition de la matière, il n’y avait rien d’absurde ni d’extraordinaire à rechercher la pierre philosophale. Pour l’alchimiste, l’or n’était pas un corps simple ; c’était un mélange du substratum matériel avec l’essence capable de donner la couleur, le poids, la dureté, toutes les qualités de l’or. Si donc cette essence pouvait être isolée, s’il était possible de l’introduire dans une matière quelconque, il serait permis d’opérer cette fameuse transmutation, rêve de tant de philosophes.

Tous les efforts de la science, inspirés par une métaphysique trompeuse, devaient tendre naturellement à la découverte des essences. On attribuait la saveur douce dans les corps à un principe doux, la saveur amère à un principe amer unique, l’odeur à ce que l’on nommait l’esprit recteur, l’acidité à un principe acide, etc. ; mais la plupart des essais entrepris pour décomposer les corps et en soutirer les parties essentielles conduisaient à des résultats négatifs et propres à confondre d’étonnement ceux qui s’y appliquaient. La distillation détruisait le plus souvent les principes végétaux qu’elle devait