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chinoise tout entière la livrée de la servitude. Le vainqueur était un jeune homme nommé Tchou-youen-tchang, issu d’une famille obscure et misérable. À dix-sept ans, il remplissait dans une bonzerie les infîmes fonctions de balayeur et de valet de cuisine ; à vingt ans, prenant son métier en dégoût, il s’enrôlait dans une bande de voleurs qui faisait de lui son chef et lui donnait le surnom prophétique de Hong-vou (puissant et fort). En ce moment, Choun-ti mécontentait l’empire par la mollesse de ses mœurs, les faveurs dont il ne cessait de combler ses compatriotes, et la pratique des superstitions : tartares. Hong-vou devint, bientôt chef de parti et porta ses vues jusqu’au trône ; la victoire couronna partout ses efforts ; la misère, l’amour du pillage, l’esprit d’aventure, la conspiration, grossirent ses rangs. Sa troupe devint une armée. Il prit Nankin et en fit sa capitale. Après y avoir établi une administration régulière, il marcha sur Pékin, vainquit les troupes mongoles dans une seule bataille et s’empara de la capitale des Youen. Hong-vou fut le chef de la dynastie chinoise des Ming, que les Mandchoux ont expulsée en 1643. Pendant vingt et un ans, il soutint avec vigueur et talent le fardeau du pouvoir impérial, qu’il avait conquis par son habileté et sa valeur. Ses réformes Organiques et administratives, sa modération, son remarquable discernement, la sagesse de ses décisions, l’ont illustré, et il est devenu l’un des héros les plus populaires de la Chine. C’est ainsi que tombent et s’élèvent souvent à toutes les époques du monde et dans tous les pays les grandes puissances et les éclatantes fortunes.

L’histoire de l’avènement des Ming nous offre d’utiles et précieux enseignemens. La dynastie des Tsing est plus usée et plus vieillie que ne l’était au XVIe siècle celle des Youen, les périls qui la menacent de toutes parts sont plus nombreux et plus pressans. Hienn-foung n’a plus à sa disposition les ressources que possédait encore Choun-ti. Il n’est ni plus brave, ni moins efféminé, ni mieux servi, ni plus populaire. L’entreprise de Hong-siou-tsiouen est nationale comme le fut celle de Hong-vou, et ses compagnons d’armes ne sont pas moins aguerris que ceux du premier des Ming. Tous deux se sont proposé, dès qu’ils ont vu leur fortune grandir, d’expulser la race étrangère qui opprimait leur pays ; tous deux sont d’une naissance obscure et ont humblement débuté. Seulement l’un a grandi parmi des moines païens, ignorans et corrompus, tandis que l’autre a reçu d’un missionnaire chrétien ou puisé aux sources mêmes de nos croyances, dans l’Évangile et la Bible, ces doctrines admirables qui ont fait toute la grandeur de notre civilisation. Dans les persévérans efforts que nous’ ne cessons de faire afin de nous maintenir et de nous fixer sur cette terre mystérieuse de Sinim vers laquelle nous