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travaux publics. Elle ne reculait plus devant aucune entreprise ; le pont de Souillac, sur la Dordogne, évalué à un million, trois autres ponts, évalués ensemble à un autre million, furent votés et entrepris sans retard. Sans aucun doute, si l’assemblée provinciale avait duré, le Rouergue et le Quercy auraient aujourd’hui deux fois plus de travaux publics.

Aux termes du règlement, un tiers des membres devait sortir cette année. L’assemblée, chargée de les remplacer, n’adopta pas le principe de la réélection ; dans une intention plus honnête qu’éclairée, qui devait être partagée plus tard par l’assemblée constituante, elle voulut appeler le plus grand nombre possible de citoyens à prendre part successivement à l’administration. Parmi les membres nouveaux qu’elle désigna, on peut citer, dans l’ordre du tiers-état, M. Cavaignac, avocat à Gourdon, le même qui devait être nommé six ans après membre de la convention nationale, et M. Sirieys de Meyrinhac, fort connu dans les chambres de la restauration. Ces hommes, qui devaient suivre des carrières si diverses, se réunissaient alors dans une même pensée. L’emphatique auteur de l’Histoire des deux Indes, l’abbé Raynal, qui était de Villefranche, voulut s’associer aussi aux travaux de l’assemblée en fondant un prix annuel de culture qu’elle devait décerner.

À partir de 1786, une agitation violente se déclare dans la Haute-Guienne comme dans le reste du royaume. Des idées indéfinies de régénération universelle fermentent dans les têtes ; M. de Richeprey, poussé par une ardeur inquiète, a quitté la province. M. de La Fayette venait de donner à Louis XVI une habitation qu’il possédait à Cayenne, la Gabrielle, pour y faire un essai d’émancipation graduelle des nègres : M. de Richeprey fut nommé directeur et y mourut à trente-cinq ans, tué par le climat. Il était resté cinq ans dans la Haute-Guienne, et les travaux qu’il a faits dans ce court espace de temps semblent ceux d’une vie entière.

Ces faits trop peu connus montrent assez ce qu’avait de fécond l’institution des assemblées provinciales. L’importance de leur action ressortira mieux encore quand nous la verrons s’exercer sur d’autres points du royaume.


LEONCE DE LAVERGNE.