diamantés, dans le giron d’une pauvre négresse dévouée. Dudley Venner ne songea point au suicide. Pareille faiblesse n’était point dans les traditions de sa race. Et puis il fallait vivre pour cette enfant que la morte lui léguait ; mais avec quelles pensées amères il la contemplait parfois ! Il y avait des momens où, voyant un sourire sur ses petites lèvres roses, une calme sérénité sur ce front enfantin, il se sentait ému de tendresse, et, les bras étendus, voulait la prendre à sa nourrice. Tout à coup les yeux brillans se rétrécissaient, la tête se rejetait en arrière, et alors, frissonnant de la tête aux pieds, le pauvre père n’osait plus, disons mieux, ne pouvait plus, penché vers son enfant, poser ses lèvres sur les joues d’Elsie. Quelquefois cette vue lui suggérait de telles pensées, et avec une telle puissance de persuasion, qu’il se précipitait hors de la nursery, de peur que ces idées dont il n’était pas le maître, aboutissant à une folie momentanée, ne lui fissent lever une main criminelle sur l’enfant qui lui devait le jour.
En ces misérables journées, il s’éloignait de chez lui ; il allait chercher sur « la Montagne » la solitude et la fatigue physique dont il avait besoin pour apaiser les agitations de son être moral. Il ne songeait certes pas à se précipiter du haut de ces rocs sourcilleux, mais il les gravissait avec une hâte, une imprudence désespérées. Quelquefois il montait délibérément jusqu’au plateau fatal, jusqu’à cet endroit maudit, sans cesse hanté par les redoutables reptiles. Il pénétrait dans celles de leurs retraites qui n’étaient point absolument inaccessibles, et il exterminait, dans des accès de fureur aveugle, étranges chez un homme de mœurs si douces, tous ceux qui se montraient à la portée de ses mains.
Peu à peu le temps avait adouci cette exaspération première ; il s’accoutuma par degrés à la physionomie, aux mouvemens de sa fille. Il se contraignit à l’avoir souvent autour de lui malgré ce sentiment mixte dont il ne pouvait se défendre, et qui, de la présence de l’enfant, lui faisait presque toujours une épreuve, quelquefois une terreur. Il remplissait héroïquement son devoir, et fut en partie récompensé de l’avoir rempli. Elsie, grandissant eut pour lui toute l’affection filiale compatible avec le naturel dont elle était douée. Jamais cependant elle ne fut docile à ses ordres ; ceci ne lui était pas possible. Menaces, punitions, avec elle il n’en pouvait être question. Il suffisait d’entrer en lutte avec son inflexible volonté pour produire en elle de tels changemens physiques que l’on se voyait contrait de céder. Une gouvernante, qu’on essaya de lui donner, se crut de force à dompter la jeune rebelle, alors âgée de quinze ans. La lutte s’engagea et dura quelques semaines, au bout desquelles cette gouvernante tomba subitement malade. À minuit, en