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graphiées de son livre inédit sur le gouvernement de la France. Un autre procès curieux était celui que M. Masson, traducteur du discours prononcé par M. le duc d’Aumale au Literary Fund, intentait à l’imprimeur qui avait d’abord accepté cet intéressant manuscrit. La circulaire de M. de Persigny, qui menaçait de la fameuse saisie les ouvrages des exilés, vint tout à coup intimider l’imprimeur; l’honnête industriel confesse sa terreur dans une lettre qui a été lue devant le tribunal, et qui est une illustration instructive des douceurs du régime administratif. Ce qui arrêtait l’imprimeur, ce n’est pas précisément la perspective d’une saisie, c’est surtout la crainte des rigueurs ultérieures de l’administration. L’imprimerie en France est soumise à des conditions de brevet et à une réglementation minutieuse qui placent entre les mains du ministre de l’intérieur le sort de ceux qui exercent cette profession. L’imprimeur de M. Masson redoutait, s’il mécontentait le ministère, d’encourir toutes ses sévérités dans la pratique journalière de son état. Sa lettre restera comme une des pages les plus instructives de l’histoire de la presse au XIXe siècle. On ne croira pas dans cent ans qu’un tel document ait pu être écrit soixante-dix ans après la révolution française. Chaque fait nouveau qui vient éclairer la situation de la presse élargit les perspectives du travail que nous devrons accomplir pour donner un jour la liberté à la presse. Comment la presse pourrait-elle être libre, si la profession de l’imprimeur ne l’est point? Voilà la question posée par le procès auquel nous faisons allusion. Constatons d’ailleurs que le tribunal a omis de viser la circulaire qui a édicté la saisie administrative dans le nombre des raisons légitimes qui ont dispensé l’imprimeur de l’exécution de son contrat.

Parmi les intérêts de la liberté qui sont en souffrance, il faut compter ceux de la liberté religieuse. Nous avons dû plus d’une fois appeler sur ce point l’attention du gouvernement. Une publication de M. Henri Lutteroth sur les écoles évangéliques de la Haute-Vienne, fermées depuis 1852, nous fournit un nouvel exemple du peu d’égards qu’apporte l’administration inférieure dans les questions de liberté religieuse. Il y a neuf ans que les écoles évangéliques de la Haute-Vienne ont été fermées par suite d’une fausse interprétation de la loi. Cette fausse interprétation est redressée dans une lettre du ministre des cultes à M. Lutteroth et dans un arrêté du conseil supérieur de l’instruction publique. C’est en vain pourtant que l’on réclame des autorités locales la réouverture des écoles fermées à tort. Il y a là une incompréhensible contradiction; on ne s’explique pas comment des autorités locales, un préfet, un conseil académique, peuvent faire prévaloir une interprétation qui n’est point celle que le ministre et le conseil supérieur donnent à la loi. Il semble qu’il doive suffire de signaler à l’administration supérieure cette anomalie pour en obtenir le redressement.

En Italie, bien que la session soit close, il ne peut y avoir de vacances pour la politique. L’Italie fait un grand emprunt pour combler le déficit de ses budgets ordinaires et subvenir aux charges extraordinaires que lui im-