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lente que la première à se consommer, et qui se produisit par un mouvement parallèle, un autre caractère vint s’ajouter dans le pape au caractère pontifical. Il ne fut plus seulement le chef de l’église, à la fois évêque de Rome et pontife de la catholicité ; il devint prince laïque, souverain territorial, monarque régnant sur une petite population, soumis dès lors non-seulement à tous les devoirs qui lient un prince laïque envers ses sujets, mais à toutes les obligations fondées sur le droit public qui lient entre eux les souverains, — les souverains dont plusieurs, par les croyances qu’ils professent, sont en même temps les sujets du pape au point de vue religieux.

Nous ne nous appesantirons point sur l’histoire du pouvoir temporel des papes. On veut en voir les premiers germes au VIIIe siècle, sous le pontificat de Grégoire II, dans une juridiction accordée volontairement par les populations à l’évêque de Rome, juridiction qui d’ailleurs ressemble à celle qui en ce temps-là était partout attribuée aux évêques. On ne voit un véritable pouvoir exercé sur Rome par les papes, d’accord au surplus avec le patrice, le sénat ou toute autre magistrature, que dans le Xe et le XIe siècle, au milieu de criminels désordres et de la corruption la plus honteuse et la plus révoltante. Ce n’est qu’après les conquêtes de Riario et de César Borgia que vers la fin du XVe siècle la cour de Rome, héritant de ce butin de trahisons et de crimes, s’empare des Romagnes, des Marches et de l’Ombrie, et y exerce une vraie souveraineté, souveraineté limitée toutefois par des institutions plus ou moins libérales, qui allaient par exemple, à Bologne, jusqu’au partage du pouvoir entre le pape et les magistrats municipaux. Depuis la restauration de 1814, la papauté a repris les états de l’église sans tenir compte des institutions antérieures à la révolution française, en les regardant comme des pays conquis et assujettis sans condition, en les gouvernant à son bon plaisir, avec l’autorité la plus arbitraire et la plus absolue.

Le gouvernement de l’église devait inévitablement être affecté par l’adjonction d’un principat temporel à l’institution primitivement toute religieuse de la papauté. Il n’est point nécessaire de chercher pas à pas dans l’histoire les diverses traces de l’influence que les intérêts du pouvoir temporel ont exercée sur le gouvernement religieux de l’église : nous nous contenterons de mettre en lumière les deux résultats les plus généraux et les plus apparens de cette influence, ceux qui sont aujourd’hui visibles et dans l’institution de la papauté et dans la constitution du corps qui fournit à l’église des papes et à la papauté son conseil permanent, nous voulons parler du cardinalat. Il est évident que les intérêts du prince temporel, que les nécessités auxquelles est assujetti le pouvoir politique, ont dû constamment agir sur le pontife. Il a fallu trouver des combinaisons, des compro-