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tendu raconter à son père. Il a fait de la sorte son apprentissage de futur historien. À vrai dire, il l’est déjà dans ce livre, et plus à découvert peut-être que dans son Histoire d’Italie.

L’Histoire florentine diffère de l’Histoire d’Italie par le choix du sujet, par la forme et par le fond. Celle-ci, comme son titre l’indique, est un récit de l’histoire générale de l’Italie, où ne se trouve traitée qu’en passant l’histoire particulière de Florence ; elle ne remonte d’ailleurs qu’à l’époque de la première invasion des Français en Italie avec Charles VIII. L’Histoire florentine au contraire, dont le récit commence au milieu du XVe siècle, au temps de Côme de Médicis et de la paix générale établie par les traités de Lodi et de Naples, se borne à peu près exclusivement aux révolutions intérieures de ce petit monde de quelques lieues à peine que Florence composait avec sa banlieue et ses villes sujettes.

Outre le choix du sujet, la forme extérieure diffère, avons-nous dit. On sait combien le style de la grande histoire de Guichardin est régulier et classique ; il n’en est pas de même de celui de l’Histoire florentine. La phrase est ici peu travaillée, assez abrupte, semée de mots latins qui sentent le jeune littérateur à peine sorti des écoles cicéroniennes de la renaissance. L’expression y est moins soignée, mais aussi plus franche, plus naïve et plus abondante. On ne trouve ici aucune de ces harangues par lesquelles Guichardin se fit plus tard l’émule de Thucydide et de Tite-Live. Ce n’est pas que l’auteur s’y abstienne des réflexions que suscite à son esprit le rôle politique des personnages qu’il voit agir ; mais il se préoccupe peu de mettre habilement ces figures en scène, et ne songe pas ici à donner du relief à ses pensées en les plaçant dans la bouche de quelque orateur. Cela donne à cet ouvrage un caractère de sincérité et de naturel qui met le lecteur en présence d’une réalité vive, soit qu’il veuille pénétrer l’auteur de cette sorte de mémoires soit qu’il se propose d’étudier l’époque au milieu de laquelle il a vécu.

La seconde moitié de l’Histoire florentine concorde pour les dates avec la première moitié de l’Histoire d’Italie. Cette concordance nous permet de comparer dans les deux ouvrages quelques récits communs revêtus d’expressions fort diverses. Il y a par exemple un épisode dont l’auteur a été témoin dans ses premières années, et qui a vivement ému son patriotisme : c’est l’invasion de l’Italie par les Français. Son étonnement a égalé sa colère, car lui aussi, comme tous les grands esprits de son temps, il veut les barbares, c’est-à-dire les étrangers, hors de l’Italie ; il veut l’indépendance de sa patrie garantie par une fédération avec un chef. Pour lui d’ailleurs, l’Italie était l’asile unique et inviolable de la civilisation ; par quelles fautes avait-elle mérité ce terrible fléau de voir sur les rives de l’Arno et