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vait rassemblée, la droite (4e corps, sous le général Gérard) en avant de Philippeville ; le centre, formé du 3e corps (Vandamme), du 6e (Lobau) et de la garde, sous le commandement immédiat de Napoléon, à Beaumont ; la gauche (1er  et 2e corps, sous d’Erlon et Reille) à Ham-sur-Eure et à Solre-sur-Sambre. Cette concentration de forces s’était opérée sans que, dans un si grand mouvement d’hommes et de choses, l’éveil eût été donné à ceux qu’on allait surprendre. À deux heures et demie du matin, cette armée, qui s’est tenue en silence dans ses bivacs, les feux éteints, doit s’ébranler en trois colonnes. L’ordre de mouvement est plein de précautions inaccoutumées dans les dernières guerres. Tout est prévu pour empêcher la confusion dans la marche de ces colonnes, qui traînent après elles un nombreux matériel[1].

Napoléon avait dessein de passer la Sambre à midi ; il était plus de trois heures quand le passage fut opéré par Reille à Marchiennes-sur-Pont, par Gérard à Châtelet. Les ordres avaient été néanmoins exécutés ponctuellement à l’exception de celui qui prescrivait au général Vandamme de commencer son mouvement à deux heures et demie du matin. L’officier porteur de cet ordre s’était cassé la jambe en tombant de cheval ; il n’avait pas été remplacé. Vandamme n’avait été instruit que fortuitement et tardivement de ce qu’il avait à faire. Quoique le mouvement général de l’armée eût pu l’instruire, il n’était sorti de ses bivacs qu’à sept heures et demie, opposant aux impatiens la résolution inébranlable d’attendre un ordre positif.

Du reste, le retard du 3e corps sera sans résultats fâcheux, puisque la garde l’a remplacé en prenant la tête de l’armée. Précédé de la cavalerie légère du général Pajol, le centre s’est avancé, sans trouver presque aucune résistance, jusqu’aux faubourgs de Charleroi. Là on a rencontré une digue de trois cents pas, aboutissant au pont, dont la tête avait été palissadée. La cavalerie française ne s’est arrêtée qu’un moment devant les tirailleurs ennemis embusqués derrière les chevaux de frise. Ce faible obstacle est bientôt rompu par les sapeurs de la garde ; à midi, les Français entraient dans Charleroi, chassant devant eux le régiment prussien qui l’occupait et qui se retirait en arrière de Gilly.

La colonne de gauche n’avait pas été moins heureuse, elle s’était avancée, le 2e corps en tête, sous le général Reille, par Thuin sur Marchiennes. D’abord les avant-postes du général Ziethen s’étaient repliés, mais la résistance avait commencé à Thuin, que des bataillons de Westphaliens avaient tenté de défendre. Une partie de cette infanterie avait été coupée de la Sambre et s’était rendue ; le reste, vivement poursuivi par les nôtres, s’était dérobé par Damprémy et

  1. Voyez l’ouvrage si justement classique du général Dufour, la Tactique, p. 18.