Près de la chartreuse s’ouvre l’entrée de cet immense et singulier portique qui fut commencé en 1674, fini en 1739, au moyen d’une contribution volontaire des habitans de Bologne, et dont les six cent trente-cinq arches courent sur une ligne de près de 5 kilomètres, d’abord en plaine, puis sur la pente du Monte della Guardia. C’est une voie sainte que la dévotion parcourt en priant, pour aller sur cette éminence adorer, dans une église parée de quelques œuvres des maîtres bolonais, une madone de saint Luc apportée de Constantinople par un ermite en 1160! Elle est restée en grande vénération. Les pèlerinages n’ont pas cessé, et le cinquantième exemplaire d’une illusion ou d’une fiction que rien ne justifie[1] est encore l’objet des adorations que l’église tolère et que le christianisme désavoue. Au sommet du Monte della Guardia, la vue lointaine, sous un ciel éclatant, des riches plaines qui s’étendent entre les Alpes, les Apennins et l’Adriatique devrait mieux, ce semble, élever une âme croyante vers l’auteur invisible qui ne s’est peint que dans les merveilles de la création.
La mer baignait les murs de Ravenne du temps de la république romaine. C’était aussi une ville dans les lagunes. Auguste fit creuser à quelque distance un port, Portus Classis, qu’il unit au Pô par un canal, et maintenant le port est ensablé, et Ravenne, à trois milles dans les terres, est séparée de l’Adriatique par une forêt de pins :
Per la pineta in sul lito di Chiassi[2].
Sa position cependant lui devait donner, sous le règne des césars,
une grande importance, et quand les irruptions des Barbares obligèrent les empereurs à se transporter dans le nord de l’Italie et
même à prendre Milan pour résidence, on conçoit que Ravenne devînt leur place de refuge. Cette ville restait le grand moyen de
communication avec la mer et l’Orient, et comme le dernier lien
d’une unité qui s’allait briser. C’est dans ces contrées que Théodose
passa une partie de son règne, et l’on sait qu’il mourut à Milan au
moment où il s’apprêtait à retourner à Constantinople. Ses deux fils
se partagèrent l’empire, et Honorius, à qui échut l’Occident, crut
mettre son pouvoir plus en sûreté en se retirant à Ravenne, qui devint à son tour une des capitales de cette partie du monde.
Tandis qu’il s’y cachait lâchement, sa sœur, Galla Placidia, née