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température de beaucoup supérieure à celle d’Europe, parce que, dans les saisons et les heures les plus rafraîchies, le thermomètre ne baisse pas au-dessous de 19 ou 20 degrés. Cette moyenne est évaluée entre 25 et 27 degrés. Aussi le climat de Cayenne est-il justement classé parmi les climats chauds du globe.

Un caractère plus remarquable encore de ce climat, c’est l’excès d’humidité : les cultures et l’industrie, la vie sociale même, tout en ressent l’influence. C’est l’humidité extrême qui a fait la Guyane ce qu’elle est : elle lui vient de toutes parts, de la mer, du ciel, du sol. Que les vents alizés, qui règnent toute l’année entre les tropiques, souillent, suivant la saison, du nord-est ou du sud-est, les vapeurs aqueuses qu’ils enlèvent à la surface échauffée de l’Océan-Atlantique, et qu’ils portent sur le continent, se heurtent au massif de montagnes, contre-fort de la chaîne des Cordillères, qui forme le centre de la Guyane. Les forêts épaisses qui couvrent tout ce massif condensent et reçoivent ces vapeurs, qui tombent en pluies et coulent de toutes parts en sources, en rivières, en fleuves même. De l’Araouari au Maroni, sur une longueur de cent vingt-cinq lieues, qui forme le littoral de la Guyane, plus de vingt courans larges et profonds se jettent dans la mer. Au-delà de ce massif, un second réseau de rivières, qui sont les affluens de l’Orénoque au nord, de l’Amazone au sud, est alimenté, outre les pluies tropicales, par les neiges éternelles de la chaîne des Cordillères, dont les cimes, sous ces latitudes, atteignent de 6 à 7,000 mètres, et les hauteurs moyennes de 3 à 4,000. Soumise à de telles influences, la Guyane française reçoit, pendant une période qui dure six ou sept mois, des pluies assez abondantes pour former à la surface du sol, si l’eau s’y accumulait, une couche de 3 mètres 1/2. La chaleur se combinant avec l’humidité, l’évaporation sature constamment l’atmosphère.

La configuration du sol vient encore exagérer ces inconvéniens météorologiques. Entre le pied des montagnes et la mer s’est formée, par le lent travail des siècles, une plaine de quatre ou cinq lieues de large, champ obligé de la colonisation, composée en partie des alluvions que charrient les fleuves aux dépens des massifs intérieurs, en partie des vases qu’entraînent les hautes marées. Entre ces deux forces contraires s’établit une lutte permanente qui couvre la surface générale de la contrée de nappes liquides, moins cependant que ne font les averses fluviales. Inondée des deux côtés, et par l’eau douce et par l’eau salée, cette plaine doit se défendre contre deux ennemis, dont les menaces peuvent pourtant se tourner en bienfaits sous forme d’irrigation, de dépôts limoneux et de forces motrices : manœuvre difficile, qui sollicite toute la vigilance