est entravé par une autre population également désireuse de vivre en bons rapports avec nous, celle des nègres marrons, dont les villages occupent le haut des rivières, principalement du côté de la Guyane hollandaise, d’où ils se sont enfuis au siècle dernier ; ces nègres, plus forts et plus intelligens, voudraient se réserver les bénéfices du petit trafic avec nos populations. Dans le cours de l’année 1860, des traités ont été conclus par l’autorité française avec les chefs de plusieurs de ces peuplades, tant indiennes que noires, pour assurer la liberté des communications avec nos postes et nos villes, où les noirs eux-mêmes se rendent volontiers comme ouvriers et manœuvres. « Nous allons bien loin et à grands frais, écrit dans son rapport un officier de marine chargé des négociations, recruter des engagés chinois et indiens ; il pourrait donc être très profitable d’attirer à nous les Boshs (nègres des bois) et les Indiens. » À la condition de ne pas exagérer ce secours, la politique doit ratifier ces sages paroles.
Après avoir appelé à eux des coopérateurs de toute race et de toute langue, les blancs de la Guyane devront faire un retour sur eux-mêmes. Combien en est-il parmi eux qui pratiquent la vie rurale comme il convient de la pratiquer pour que le patron soit toujours entouré d’un cortège empressé de serviteurs ? Résident-ils sur leurs habitations pour y mener l’existence, nous ne dirons pas laborieuse, mais vigilante du propriétaire ? Le nombre est petit des habitans qui conduisent sur place leurs domaines, comme le pionnier des États-Unis, le boër du Cap, qui habite pourtant un pays bien chaud, et même comme le planteur de Bourbon. Si le séjour des campagnes semble trop périlleux aux blancs, qu’ils puisent donc dans ce sentiment de leur faiblesse, joint à des raisons politiques et morales, des motifs pour rapprocher d’eux la race de couleur plus rustique, mieux acclimatée, et qui aspire à justifier l’égalité conquise dans la loi par l’égalité dans la fortune et dans la hiérarchie des fonctions. À la Guyane comme dans les autres colonies, un préjugé contre nature creusa jadis un abîme entre les blancs et leurs enfans de couleur ; banni des institutions, il se réfugie dans les mœurs. L’intérêt public en demande instamment le sacrifice. En rapprochant ainsi dans une sympathique solidarité d’existence et d’intérêts toutes les forces vives qui peuvent concourir à la colonisation, la Guyane verrait croître sa population humaine, premier et nécessaire instrument de sa transformation. Avec tous ces élémens réunis, nés dans le pays ou appelés du dehors, elle possède à peine vingt mille habitans, tandis qu’elle en pourrait nourrir aisément plusieurs millions. Sans aspirer de longtemps à des chiffres aussi éblouissans, qu’elle songe à la Guyane anglaise, peuplée de 160,000 individus, à la Guyane hollan-