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acceptée, ou activement pratiquée par les clergés catholiques de plusieurs nations européennes. Exclus de la domination politique, de l’état, du pouvoir temporel, ces clergés ne peuvent rentrer et ne rentrent dans la société pour y exercer leur mission religieuse que par le droit commun et la liberté civile. Leurs plus intelligens apologistes le proclament. Dans les pages véhémentes et généreuses que M. de Montalembert vient d’écrire sur la Pologne, nous avons remarqué le passage suivant : « Je défie qu’on trouve un catholique polonais qui ne tienne pour la liberté de tous, comme l’unique ressource des honnêtes gens et l’unique sauvegarde de l’avenir. Et en effet, si jamais elle ne fut plus nécessaire à l’humanité, jamais non plus elle ne fut plus indispensable à l’église. Les deux causes, les deux intérêts sont connexes et indivisibles. Point de liberté civile sans la distinction du spirituel et du temporel, dont l’église catholique est l’unique gardienne ; point de tolérance à espérer pour l’église catholique dans une société comme celle du XIXe siècle sans le dogme politique de la tolérance universelle ; point de liberté pour nous, si ce n’est en vertu des principes de la liberté universelle. » Ces éloquentes paroles n’expliquent-elles pas suffisamment l’un des côtés du contraste qui a depuis longtemps éclaté entre la conduite et le langage des clergés catholiques d’Europe et les anathèmes de Rome ?

En ce qui nous touche, nous ne nous servirons pas de ce contraste pour porter contre la cour de Rome des accusations perfides ou violentes. Nous en tirerons en passant cette induction : c’est que les libertés modernes, bien que condamnées à Rome, ne sont point contraires aux intérêts religieux, puisque ces libertés sont réclamées, professées, pratiquées par les clergés catholiques de la plupart des états européens. Si le langage de Rome est en contradiction sur ce point avec celui des églises particulières, les plus ferventes et les plus zélées, nous nous croirons autorisé à rechercher dans la position particulière de la papauté la cause de ce dissentiment. Il faut avoir le courage de remonter à l’origine d’une contradiction qui deviendrait, en se prolongeant, un désolant scandale pour la conscience humaine. Cette origine est dans le pouvoir temporel. L’état romain est la dernière parcelle de territoire habité par des populations catholiques où survive encore la théocratie. De même que nous trouvons naturel et légitime que, dans les pays où l’état est devenu laïque, les ministres de l’église acceptent la liberté, s’en servent, aillent même jusqu’à l’aimer, de même nous trouvons naturel et logique que le chef de l’église catholique, étant en même temps souverain temporel, ferme ses états à la liberté civile et religieuse et repousse comme l’assaut d’un ennemi les efforts que fait