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le secours de ses soldats, que nous avons occupé Ancône après 1830, et que depuis douze ans nous tenons garnison à Rome. Sans doute, en fait, les armes françaises ont protégé le pouvoir pontifical ; mais si les Autrichiens n’étaient pas entrés dans les Romagnes, Casimir Perier n’aurait pas fait débarquer à Ancône un régiment français, et si en 1849 les Autrichiens ne fussent pas entrés à Bologne en menaçant d’occuper tous les états pontificaux, il nous semble douteux que la France eut fait l’expédition de Rome. Que l’on relise les discussions soulevées dans notre assemblée législative par l’expédition romaine de 1849, l’on y verra que l’argument politique le plus pertinent mis en avant par les partisans de cette mesure fut la nécessité de faire contre-poids à l’intervention autrichienne. On alléguait un argument de la vieille diplomatie, qui cette fois n’était pas dénué de raison : la nécessité de maintenir l’influence française en Italie en face de l’influence militaire énorme que la victoire de Novare et l’occupation des duchés donnaient à l’Autriche au nord et au centre de la péninsule. Restés à Rome bien longtemps après la cessation des occupations autrichiennes, il est peut-être heureux pour notre amour-propre libéral que nous ayons oublié la cause principale qui nous y avait amenés, et que nous ne nous apercevions pas que les Autrichiens, aujourd’hui absens, nous ont en quelque sorte repassé leur ancien rôle. Les Autrichiens avaient de bonnes raisons pour aider le pouvoir pontifical de leurs armes. Dans le système politique qu’ils suivaient depuis 1815, ils ne croyaient pas pouvoir respecter le droit populaire et céder aux aspirations des nationalités sans exposer leur empire à une décomposition générale. Occupant une partie de l’Italie et toujours gênés dans leurs finances, ils trouvaient leur compte à faire vivre leurs troupes aux frais des autres régions de la péninsule dont ils assuraient l’asservissement. S’imagine-t-on que l’Italie actuelle se pût accommoder du retour d’un semblable état de choses ? L’Autriche elle-même pourrait-elle le recommencer ? N’est-il pas visible, pour que les transformations par lesquelles elle essaie de se régénérer puissent réussir, qu’elle doit renoncer à son ancienne politique envers l’Italie ? Par quelles mains et dans quelles conditions rêverait-on ou le rétablissement complet ou le maintien partiel de la souveraineté temporelle du pape ? La question est pressante pour nous, elle intéresse la France au premier chef, puisque, sans démentir nos principes, sans renier les prétextes que nous avons mis d’abord en avant, nous ne pouvons, après avoir écarté de l’Italie l’influence de l’Autriche, changer en une protection permanente l’appui provisoire, et en grande partie au moins dirigé contre l’influence autrichienne, que nous avons prêté au gouvernement pontifical.