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de l’église en faisant le sacrifice de la souveraineté temporelle de la papauté n’est point un expédient trouvé par un homme d’état aux abois, n’est pas une inspiration récente suscitée par les changemens politiques qui viennent de s’opérer en Italie, Elle est née spontanément et depuis longtemps au sein des catholiques italiens, parmi les membres les plus éminens du clergé national. L’idée était confuse d’abord ; les dernières révolutions, en créant des nécessités pressantes, n’ont contribué qu’à la rendre plus nette et à la mieux définir. Il n’est guère d’hommes qui aient fait plus d’honneur au clergé catholique, autant par son humble et charitable piété que par la portée philosophique de son esprit, que l’abbé Rosmini. Il y a un livre de lui : Delle cinque piaghe della santa Chiesa, où palpitent avec une sainte ardeur et la douleur des maux que l’immixtion et les servitudes du temporel ont fait peser sur le catholicisme et l’aspiration d’une âme pieuse à la liberté de l’église. Ce livre parut aux premiers jours du pontificat de Pie IX ; mais Rosmini l’avait écrit dès 1832, et avait gardé ses effusions captives jusqu’à l’avènement du nouveau pape. « Comment l’église sera-t-elle sauvée ? s’écriait Rosmini dans sa plainte mystique. Un seul regard jeté sur la terre, et l’on a la réponse. Les desseins redoutables de la Providence ne sont plus enveloppés de mystère ; on n’a plus à les deviner. La réalisation en est commencée et se poursuit sur divers points de l’Europe et de l’univers. L’Angleterre, l’Irlande, les États-Unis et la Belgique ont la liberté d’élire leurs évêques : à aucun prix, la Providence ne renoncera à restituer cette liberté à toutes les nations de la terre, que les monarques en soient bien sûrs. Les peuples, oui, les peuples, sont la verge dont elle se servira. La rébellion est détestable, et qui la déteste plus que l’église ? qui la condamne davantage ? Mais ce que ne peut l’église, Jésus-Christ a la puissance de le faire, lui qui est le maître des rois et des peuples, qui tient tout sous sa volonté, et qui a coutume de faire sortir le bien du mal. Il emploiera encore le bras des méchans pour exécuter ses plans. L’explosion de l’Europe est irréparable ; il n’y a plus qu’un moyen de salut : rendre l’église de Dieu à la complète liberté. » N’y a-t-il pas quelque chose de prophétique dans ces épanchemens d’une âme religieuse ? On doit comprendre qu’au sein d’un pays catholique où les membres les plus distingués du sacerdoce, comme les hommes les plus éminens de la société laïque, se sont depuis si longtemps familiarisés avec de telles pensées, la proposition si franche et si libérale portée par M. de Cavour à la tribune italienne n’ait point été reçue comme une nouveauté soudaine et choquante.

Cette solution, considérée au point de vue catholique, a un mérite intrinsèque qui à première vue aurait dû lui obtenir un accueil fa-