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mais vous en connaissez l’objet. Il s’agissait de remercier l’empereur du décret qui consacre 25 millions aux chemins vicinaux. Inutile de dire que ce décret a notre plus complète approbation ; mais sérieusement était-il nécessaire de faire tout ce bruit, de déployer tant d’appareil à propos d’une mesure si simple, et d’y chercher l’occasion de fournir un thème de composition oratoire aux quatre-vingt-neuf respectables assemblées qui ont à consacrer huit ou dix jours chaque année aux affaires de nos départemens ? À lire ces effusions solennelles, ne dirait-on pas que les chemins vicinaux sont inventés d’hier, et qu’un pays qui a l’habitude de dépenser 300 millions par an pour ses chemins de fer, qui donne une subvention énorme à la ville de Paris pour ses embellissernens, qui va contribuer pour un nombre très rond de millions à la construction d’une salle d’opéra, accomplit un prodige en mettant 25 millions de côté pour son agriculture ? Éternels collégiens que nous sommes, nous ne nous lasserons jamais, sous l’œil de nos éternels régens, de tourner, d’apprendre par cœur et de réciter, pour d’éternelles distributions de prix, d’éternelles amplifications complimenteuses ! Le moyen de faire de nous une nation naturelle et pratique en politique ? O sancta simplicitas ! comme disait Jean Huss.

Il faut mettre sans doute ce débordement d’enthousiasme officiel à propos des chemins vicinaux au compte de la stérilité de la saison actuelle. Mentionnons encore un incident électoral qui peut fournir matière à d’utiles réflexions : nous voulons parler de l’élection qui vient d’avoir lieu dans l’arrondissement d’Avignon. Un candidat indépendant se présentait : c’était M. Léopold de Gaillard, écrivain honorablement connu, qui vient de publier une histoire de l’expédition de Rome en 1849 conçue à un point de vue bien différent de celui que nous apportons nous-mêmes dans l’appréciation des questions italiennes, mais composée avec soin, nourrie d’informations très intéressantes, et où un parti-pris énergique n’exclut point une libérale modération. M. de Gaillard avait posé sa candidature dans une circulaire très nette, contenant à la fois des déclarations libérales sur les questions qui regardent la politique intérieure de la France et de vives protestations en faveur de la conservation du pouvoir temporel du pape. M. de Gaillard n’a point été élu ; son concurrent, le candidat du gouvernement, a obtenu presque cinq fois plus de suffrages que lui. Ce n’est point du fait même de l’élection que nous voulons nous occuper ici : avec le système de l’intervention des préfets dans les élections en faveur des candidats du gouvernement, nous savons combien il est difficile à un candidat indépendant de faire valoir toutes ses chances ; mais ce qui est instructif, ce qui mérite d’être médité par ceux qui se proposent de tenter l’action électorale, c’est la sorte d’influence que la réunion des principes professés par M. de Gaillard paraît être destinée à exercer sur les opinions qui partagent le corps électoral.

Des électeurs de l’opposition, qui se proposaient de prendre part à la lutte et voulaient d’abord s’y faire représenter par un candidat spécial, ont