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tière ; cette marine doit sortir de l’initiative de la totalité des confédérés, être soumise à leur direction, entretenue par une quote-part des budgets des différens états. Or la fixation de cette quote-part dépendrait du vote des chambres respectives, et il y a peu de chances de voir les parlemens locaux entrer aujourd’hui dans cette voie.

En Prusse même, cette agitation du National Verein n’est pas vue d’un œil favorable sous tous les rapports par le gouvernement et par le peuple. Le peuple est toujours prussien avant d’être allemand ; il se trouve blessé dans son orgueil national de voir que les dons pour la flotte seront versés dans la caisse du National Verein, pour être envoyés de là au ministère de la marine à Berlin. On trouve ce détour très singulier, du moins pour le produit des souscriptions prussiennes. On se demande si le National Verein aspire par hasard à se faire reconnaître comme une sorte de pouvoir central allemand, comme une espèce de gouvernement provisoire siégeant à Cobourg ! Quant au gouvernement prussien, il commence à se trouver quelque peu gêné par les sympathies que lui témoigne le National Verein, surtout depuis que cette association fait mine de se mêler des prochaines élections pour les diriger. Quant aux dons pour la flotte allemande, il suffit, pour juger de l’esprit dans lequel ils sont accueillis par le gouvernement, de remarquer qu’ils sont enregistrés par le journal officiel sous la rubrique de « dons pour l’augmentation de la flotte prussienne ! »

Ceux qui redoutent les effets du travail d’unification qui se tente en Allemagne n’ont donc pas encore de justes sujets de s’effrayer. Pour notre part, il n’y a guère qu’une forme de l’unité allemande qui nous donnerait à réfléchir : c’est l’unité militaire, celle qui se prépare dans les manifestations guerrières et s’opère dans les camps. Or il faut mettre en première ligne les fêtes martiales dans les passe-temps actuels de l’Allemagne. Outre les manœuvres des troupes prussiennes sur le Rhin, il y a eu des exercices militaires dans plusieurs états allemands. Le contingent du duché de Nassau, fort de cinq à six mille hommes, est réuni de temps en temps dans un camp près de Höchst, petite ville sur le chemin de fer de Francfort à Mayence. Aux exercices habituels de ces troupes, on a ajouté cette année l’attrait de la petite guerre. La garnison fédérale de Francfort, composée de plusieurs contingens, a été de la fête, et ceux qui préfèrent l’union effective et efficace qui se forme dans la communauté du service militaire à l’unité, jusqu’à présent idéale et utopique, à laquelle le National Verein se rallie ont trouvé plus de mérite à cette comédie de guerre jouée par un échantillon d’armée fédérale qu’aux verbeuses manifestations de l’assemblée de Heidelberg.

Les nouvelles des États-Unis continuent à être fort tristes. Le pire malheur de cette guerre civile, c’est sa lenteur. Si cette guerre dure longtemps, on peut dire d’avance que le nord perdra, par l’effet nécessaire de la prolongation des hostilités, l’objet même pour lequel il a entrepris la lutte, qui était de maintenir les états du sud dans l’Union. Quel instrument