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par Vandamme, et il ne réussit à s’échapper que par une marche forcée de trente-huit heures, fuyant devant les fuyards. La première division prussienne était dispersée sur La Fère, Villers-Cotterets, Grespy, Gillicourt. Les autres divisions n’étaient pas mieux rassemblées, et le gros de l’armée à deux jours des Anglais. Cette dissémination de l’ennemi eût pu lui coûter cher ; mais il croyait pouvoir tout oser. Il y était encore encouragé par le peu de résistance qu’avaient faite plusieurs des villes frontières, tombées à la première sommation. En deux jours, Avesnes, Guise, Cambrai, Ham, s’étaient rendues, et ce n’était pas seulement le moral de la France qui tombait avec les places : c’étaient des points d’appui à l’invasion. La marche sur Paris, qui semblait d’abord désordonnée, eut une base assurée.

Grouchy, qui avait reçu à Soissons le commandement en chef, revenait à la tête du 6e corps et de la garde. Il atteignit Levignon, que les Prussiens de Ziethen avaient déjà dépassé. Cette route fermée, Grouchy se détourne à gauche vers la Marne, et il achève sa retraite par Assy, Meaux, Claye et Vincennes. La même raison fit que Vandamme se dirigea par La Ferté-Milon et Meaux. Il passe la Marne à Lagny et traverse Paris pour occuper, sur la rive gauche, le plateau de Montrouge. Vivement pressé, Reille, avec le 2e corps, avait rejoint d’Erlon. Au-delà de Nanteuil, le prince de Prusse leur avait fait 2,000 prisonniers ; mais il n’avait pu les empêcher d’arriver au but sans trop de dommage : ils rejoignirent par Saint-Denis le gros de l’armée.

Pendant que les Français, après une perte de quelques mille hommes seulement enlevés dans la retraite, rentraient ainsi dans Paris en se couvrant de la Marne, les Prussiens arrivaient en face de la plaine de Saint-Denis. À leur marche furieuse, on eût dit que Paris serait le prix de la course ; mais là ils furent subitement arrêtés par les lignes de défense qui, de ce côté, couvraient la capitale. C’était d’abord, de La Villette à Saint-Denis, le canal de l’Ourcq, large de trente pieds, rempli d’eau. Il fermait la courbe de la Seine. Le long du bord intérieur, une haute digue formait un excellent parapet, dans lequel avaient été pratiquées des embrasures pour l’artillerie de gros calibre. La ville de Saint-Denis, servant d’appui, était fortifiée, le terrain inondé aux environs, et le poste d’Aubervilliers occupé à une portée de fusil en avant de la ligne. De fortes batteries et des travaux protégeaient les barrières de Paris et les mettaient à l’abri d’un coup de main. Une tête de pont sur la rive gauche de la Marne couvrait le pont de Charenton. Trois cents pièces de grosse artillerie armaient ces travaux. La ligne entre Saint-Denis et Vincennes était défendue par les 1er, 2e et 6e corps, la garde en réserve à Ménilmontant, la cavalerie au bois de Boulogne. Vandamme,