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le sol, naturellement beaucoup plus fertile que celui des Flandres, donne des produits moins considérables, il faut bien admettre que des circonstances particulières s’opposent ici au progrès. Qui empêche en effet le fermier de se procurer même à crédit les engrais commerciaux nécessaires pour supprimer peu à peu la jachère et pour introduire une rotation plus rationnelle, ainsi que le fait le simple journalier flamand quand il met des landes en valeur ? Il n’aurait nul besoin d’emprunter un capital étranger pour accroître insensiblement le cheptel qui garnit sa ferme par l’élevage de jeunes bêtes, à mesure qu’augmenterait la quantité de fourrage qu’il récolterait, et ainsi, en suivant les indications de la science agronomique ou les exemples des régions voisines, il pourrait bientôt amener l’agriculture au degré d’avancement qu’elle a atteint dans la Hesbaye. On peut affirmer que même actuellement le capital ne manque pas ; seulement on ne l’applique guère à améliorer la terre. Au lieu d’acheter de l’engrais et des machines perfectionnées ou de drainer les champs trop humides, le cultivateur consacre ses épargnes à acheter une propriété dont il disposera à son gré et d’où il ne risquera pas d’être expulsé, s’il ne consent à payer une rente toujours croissante. La construction et l’entretien des bâtimens de ferme absorbent aussi beaucoup d’argent, qui pourrait être employé d’une manière bien plus lucrative. Les murs sont bâtis en pierres calcaires sur une épaisseur de 50 ou 60 centimètres, les toits sont recouverts d’ardoises, la pierre de taille n’est pas épargnée, et toutes les charpentes, extrêmement solides, sont en chêne. Il n’est pas rare de voir ainsi consacrer 40 ou 50,000 fr. à élever les bâtimens d’une exploitation d’une cinquantaine d’hectares au plus. Tandis que les fermiers aussi bien que les propriétaires reculeront devant une dépense de quelques milliers de francs indispensable pour améliorer la terre, ils mettront 15,000 fr. à élever une grange, que le cultivateur anglais remplace par une batteuse à vapeur locomobile qui lui permet de battre le grain sans l’engranger. À l’opposé de ce qui se fait en Angleterre, où les constructions, même sur les grandes fermes, sont en général très légères, où d’autre part on consent aux plus grands sacrifices pour mettre en action toutes les forces productives du sol, ici on affecte de grandes sommes à un emploi improductif, et on refuse tout à la terre, qui paierait largement les avances qu’on lui ferait. Le propriétaire croit que le locataire ne tiendrait nul compte d’améliorations de ce genre, ou qu’il en profiterait sans vouloir subir une augmentation de fermage proportionnelle. Quant au fermier, il est convaincu qu’en adoptant des méthodes plus perfectionnées il exposerait un capital plus grand sans vivre mieux, sans devenir plus riche, et qu’en fin de compte il aurait travaillé pour autrui. Ainsi