les Flandres, où la production agricole, la plus riche qu’on puisse voir, ne laisse aux mains de ceux qui travaillent la terre que juste de quoi vivre, et d’autre part l’Ardenne, où ceux qui font valoir le sol jouissent d’une certaine aisance relative malgré l’infériorité de la production et des procédés agricoles. Ce phénomène mérite à coup sûr de fixer l’attention de l’économiste, et sans donner place ici à toutes les considérations qu’il suggère, qu’on nous permette seulement de rappeler une pensée qu’exprime quelque part M. Stuart Mill, pensée qui venait souvent se mêler dans notre esprit à nos préoccupations agronomiques tandis que nous visitions les forêts et les bruyères de l’Ardenne. Pour que l’humanité atteigne le but qui lui est assigné, faut-il donc, se demande l’éminent écrivain anglais, que les hommes pressés les uns contre les autres soient absorbés du matin au soir dans l’œuvre de la production ? faut-il que toute terre se couvre de moissons et toute prairie de bœufs gras, et ne doit-il plus y avoir sur le globe de place où, dégagé du souci de créer de la richesse, on puisse admirer dans les solitudes les fleurs sauvages telles qu’elles croissent sur le sol abandonné à lui-même et les aspects variés de la nature non encore asservie aux besoins de l’homme ?
Afin de compléter l’étude des différentes régions agricoles de la Belgique, il nous reste à mentionner celle qui occupe le sud de la province du Luxembourg. Quand on a franchi les crêtes nues et les hauteurs boisées de l’Ardenne, le pays où l’on descend prend un caractère complètement différent. Au lieu de plateaux monotones, on voit se succéder des champs fertiles, de riches prairies arrosées d’eaux vives, des collines boisées, des habitations riantes, entourées d’arbres fruitiers, des routes accidentées dont l’animation indique une contrée plus peuplée. La douceur de la température, la vigueur de la végétation, tout annonce qu’on approche de la zone plus favorisée de l’Europe centrale. Le massif ardennais arrête le souffle glacé des vents du nord ; par suite, les hivers sont moins âpres, les étés plus chauds. L’influence d’une latitude plus méridionale se fait sentir tout à coup : les châtaigniers commencent à paraître, déjà le raisin mûrit, les noyers prospèrent partout. Les poires, les abricots, les prunes, tous les fruits sont si abondans, que dans les bonnes années on en extrait des quantités notables d’eau-de-vie. Comparé à celui de la froide Ardenne, le climat du Luxembourg a paru si doux qu’on a donné à cette petite lisière qui s’étend dans le bassin de la Semoy le nom un peu trop flatteur de Petite-Provence. L’argile, le calcaire, la marne des terrains jurassiques, composent un sol favorable à la culture et surtout aux prairies, qui, le long des cours d’eau, sont de qualité excellente. Les produits aussi sont plus