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furent d’une grande importance pour le théologien. Ce fut lui qui en Amérique ouvrit la brèche par laquelle le flot de la critique allemande fit irruption dans le protestantisme anglo-saxon, si longtemps fermé aux travaux de la théologie indépendante. Depuis quelques années, en Angleterre et en Amérique, les idées philosophiques et religieuses se sont singulièrement germanisées, du moins chez les penseurs les plus distingués de ces deux pays ; mais on était encore loin d’une telle situation en 1837, lorsque le jeune pasteur de Roxbury, initié par ses nombreuses lectures à la théologie la plus avancée, sentait avec une persuasion croissante qu’il y avait d’autres choses dans le ciel et sur la terre qu’on n’en rêvait dans les églises de son pays. L’unitarisme, auquel Parker appartenait par son éducation et ses préférences, était, il est vrai, la branche la plus éclairée et la plus libérale du protestantisme américain ; il avait attiré l’élite intellectuelle de la Nouvelle-Angleterre. C’est dans ses rangs que se recrutaient les patrons les plus courageux et les plus influens des grandes améliorations sociales et des grandes institutions philanthropiques. Tandis que, sur la question de l’esclavage, l’orthodoxie du sud et en grande partie celle du nord gardaient un lâche silence, souvent même trouvaient dans leur superstitieuse adoration de la lettre biblique des argumens en faveur de ce régime barbare, c’était surtout au sein de l’unitarisme que naissait ce ferment abolitioniste, longtemps dédaigné, aujourd’hui la première puissance morale de l’Union. L’unitarisme avait gagné beaucoup d’adeptes depuis le commencement du siècle. Toutefois il avait moins la prétention de se substituer par voie de conquête aux autres églises que d’entretenir un foyer permanent de libéralisme et de réforme rationnelle qui rayonnât sur les autres sociétés religieuses. C’est par là surtout qu’il a considérablement agi sur l’état religieux en Amérique, et l’on se trompe étrangement quand on prend le chiffre officiel de ses adhérens pour la mesure exacte de ses progrès réels. Peu à peu un grand nombre d’églises universalistes, baptistes, presbytériennes, s’étaient laissé pénétrer par le levain du libéralisme unitaire, et, sans s’affilier officiellement à la secte, se transformaient graduellement sous ses inspirations. Des prédicateurs tels que Henry Ware et Channing avaient encore accéléré ce mouvement pacifique, et compensé, le second surtout, les défauts de la tendance unitaire par la chaleur communicative de leur talent et de leur cœur.

Nous parlons de défauts : en effet, à côté de l’excellent esprit de philanthropie et de libéralisme religieux qui distinguait le parti unitaire, il y avait des lacunes graves qui devaient se faire d’autant plus sentir que son influence grandissait. Sous le rapport théologique,