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qui se sont développées à leur suite, quelle est la part du vrai et du faux ? Avant de nous livrer le résultat de ses propres méditations, M. Saisset veut savoir où ont échoué les maîtres, car enfin, si les générations nouvelles sont entraînées par le panthéisme, si Hegel règne aujourd’hui dans la science, il faut bien que les grands architectes spiritualistes du XVIIe siècle, Descartes et Malebranche, Leibnitz et Newton, aient donné prise par quelque côté aux attaques de leurs adversaires. Comment se sont écroulées ces constructions sublimes, ou du moins pourquoi les spiritualistes de nos jours n’y trouvent-ils plus le sûr et solide abri de leurs croyances ? Voilà ce que cherche M. Saisset, et comme les plus précieux intérêts de l’âme sont engagés pour lui dans cette recherche, l’histoire philosophique prend tout à coup entre ses mains un caractère inattendu. À travers le respect que le génie lui inspire, on sent percer dans ses paroles les exigences d’une âme altérée de vérité. Ces maîtres qu’on étudiait naguère encore, je ne veux pas dire avec indifférence, mais pourtant avec une certaine tranquillité d’esprit, il les presse de questions et d’objections ; il s’inquiète de leurs défaillances, il signale leurs erreurs, erreurs peu remarquées d’abord, erreurs de doctrine, de méthode, et non pas d’intention, erreurs pernicieuses toutefois, car en présence des nouveaux assaillans elles ont été comme des brèches fatales par où l’ennemi a pénétré. Aussi dans cette vivante étude des créateurs de systèmes rien n’est donné à la pure curiosité historique. L’auteur va droit à son but, il entre dans les conseils secrets de ces âmes supérieures ; il s’élance, si je puis ainsi parler, au cœur même de leur philosophie, pour en saisir à la fois le principe et les conséquences dernières. Qu’est devenu dans leurs conceptions méthaphysiques celui à qui la Bible fait dire : « Je suis celui qui suis ? » Comment se représentent-ils cette source éternelle de l’être ? Comment expliquent-ils les rapports du fini et de l’infini ? Quel est pour eux l’ordonnateur du monde, et qu’est le monde en sa présence ? En essayant d’organiser scientifiquement la croyance universelle du genre humain, l’ont-ils affermie ou ébranlée ? Dans des questions de cette importance, et quand la foi de l’humanité est en péril, une timide soumission aux maîtres serait une faiblesse coupable. Donc point de timidité, nulle hésitation ; il est temps de parler enfin au nom des pensées qui nous sont propres. Les plus glorieux métaphysiciens du XVIIe siècle, interrogés sans complaisance, admirés sans idolâtrie, doivent rendre leurs comptes aux spiritualistes du XIXe.

Descartes comparaîtra le premier. Descartes, ce mortel dont on eût fait un dieu chez les païens, et dont nous avions presque fait une idole, tant nous étions enivrés de reconnaissance pour ce libre