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d’une mauvaise récolte, la nécessité d’exporter des quantités considérables de numéraire à l’étranger, les moyens lui manquent pour contrôler l’exactitude de cette appréciation et pour juger lui-même de l’opportunité du renchérissement du crédit. Le commerce et l’industrie sont donc obligés d’accepter comme vrai, lors même qu’il serait erroné, le jugement porté par la Banque, et de s’y conformer dans la pratique. Lorsqu’on voit la Banque procéder à une première élévation du taux de l’escompte au milieu de bruits peu précis sur l’insuffisance des récoltes et les sorties de numéraire, on s’attend naturellement à de nouvelles et successives élévations du taux de l’intérêt, et l’on agit en conséquence. Dans cette prévision, le crédit se resserre en dehors de la Banque ; on présente alors à cet établissement des bordereaux d’escompte plus importans ; on lui demande des sommes plus considérables en espèces ; on charge son portefeuille, l’on vide son encaisse, et l’on rend ainsi nécessaires ces nouvelles hausses de l’escompte, dans l’attente et la crainte desquelles on est venu doublement peser sur le portefeuille et sur l’encaisse de la Banque. L’on est entré dans cette voie de gêne commerciale et de crise qui mène à la diminution forcée du travail, voie funeste surtout aux classes les plus intéressantes de la nation, à celles qui n’existent que par le travail de leurs mains, qui ne vivent que de salaires.

C’est cette conséquence d’une fausse mesure en matière de renchérissement du crédit que le conseil de la Banque doit avoir toujours présente à l’esprit dans ses délibérations. En ce moment, deux circonstances particulières devaient en outre être prises en considération par les régens de la Banque : l’insuffisance même de la récolte et l’application entière qui va être faite des traités de commerce avec l’Angleterre et avec la Belgique. Quel est l’objet que l’on a en vue, l’effet que l’on produit infailliblement en entrant dans un système de hausse de l’escompte ? C’est de restreindre et de diminuer la production ; mais d’où vient le trouble qui accompagne une mauvaise récolte, et contre lequel les banques cherchent à se prémunir ? Une mauvaise récolte oblige le pays qui la subit à importer extraordinairement en quantités considérables une marchandise de première nécessité. Si cette importation pouvait se payer avec des produits, au lieu d’amener une perturbation, elle ne ferait que fournir à la production nationale un plus vif stimulant et un aliment plus large. Il faudrait donc, quand un pays est réduit par une mauvaise récolte à faire des importations considérables de blé, que la production, au lieu d’y être restreinte et diminuée, y pût être au contraire encouragée et développée. Cependant le besoin d’importation créé par une récolte insuffisante est un besoin extraordinaire ; il est impossible que les exportations des produits nationaux donnent immédiatement le moyen d’échange équivalent : il y a donc un solde qu’il faut nécessairement payer en espèces et en métaux précieux. Qu’on le remarque, en aucun cas la hausse de l’escompte ne peut diminuer la dette du pays, la somme en métal qu’il