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italien à Paris, M. Nigra, qui a communiqué à M. Thouvenel le plan du gouvernement italien. C’est M. Ricasoli qui en a fait part à notre ministre à Turin, M. Benedetti : celui-ci, dans son récent voyage à Paris, a remis ce plan à notre ministre des affaires étrangères. Nous ne croyons pas que sur le fond des choses le projet de M. Ricasoli s’éloigne sensiblement des conditions que nous avons indiquées comme pouvant conserver au saint-père les immunités et les attributions de la souveraineté personnelle, et par conséquent les garanties de l’indépendance. Le mémorandum de M. Ricasoli, qui sera sans doute publié en temps opportun, indique les bases sur lesquelles le royaume d’Italie pourrait entrer en négociation avec le saint-siège pour l’établissement du nouvel état de choses. S’il fallait en juger par une brochure récemment publiée à Paris, Garanties données par le roi d’Italie pour l’indépendance du saint-siège, les bases offertes par M. Ricasoli ne seraient relatives en effet qu’à l’indépendance du pape, et ne mentionneraient point ces libertés complètes de l’église dont M. de Cavour avait montré avant sa mort la séduisante perspective. On semblerait vouloir laisser au pape qui accepterait une telle négociation le soin, le mérite et l’honneur de stipuler en faveur des libertés de l’église, auxquelles il sacrifierait les avantages incertains du pouvoir temporel ; mais dans la situation présente est-il seulement possible d’aboucher les deux parties et d’amener le pape à entrer en pourparlers sur une question semblable avec un ministre du roi Victor-Emmanuel ? Les moyens manquent au gouvernement italien pour porter directement ses propositions au saint-siège. Il a semblé au cabinet de Turin qu’avant de saisir de ces propositions l’opinion, qui en doit être le suprême juge, il n’y avait pas de voie plus convenable pour les faire parvenir à la cour de Rome que d’emprunter l’intermédiaire de la France. Le gouvernement français se chargera-t-il de la commission ? Nous n’en savons rien, et peut-être n’a-t-il pris encore lui-même à ce sujet aucune résolution officielle. Nous comprenons que l’écueil pour le gouvernement français serait découvrir d’une approbation implicite le plan italien par cela seul qu’il consentirait à le communiquer à la cour de Rome. Or, lorsqu’on est maître de Rome, que l’on occupe avec une armée, recommander au pape un plan qui lui demande son abdication, n’est-ce pas lui imposer soi-même cette abdication ? Nous ne savons rien qui mette plus en évidence la fausseté de notre position à Rome. Chose curieuse, il n’est guère possible que notre gouvernement refuse son approbation à l’esprit, sinon à tous les détails du plan italien, et il ne paraît guère possible non plus que notre gouvernement prenne officiellement auprès du saint-père ce plan sous son patronage. Quel que soit le parti que l’on adopte, M. Ricasoli n’en aura pas moins fait envers la France acte de convenance et d’habileté en plaçant entre nos mains l’exposé des garanties d’indépendance que l’Italie offre au saint-siège. En essayant de faire arriver ses propositions au pape par la voie la plus honorable, il aura fait aussi acte de déférence envers