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à 125. Les seules recettes un peu sûres étaient, d’après lui, les droits de douane perçus dans les ports. La France, l’Angleterre et l’Espagne, en occupant les ports, s’assureront donc des principales ressources du pays, recouvreront ce qui leur est dû, pourront s’indemniser en partie des frais de la guerre, et affameront le misérable gouvernement actuel du Mexique, conduit par une faction qui a pour mot d’ordre le cri de mort aux étrangers ! Priver le gouvernement mexicain du revenu de ses douanes, c’est lui enlever tout moyen d’existence, c’est livrer l’intérieur du pays à la lutte de toutes les factions déchaînées. S’il existe pourtant un moyen d’établir quelque chose de régulier au Mexique, si ce pays n’est pas le seul au monde où de l’excès du mal ne puisse naître quelque bien, il est permis d’espérer que l’influence des puissances intervenantes ne se renfermera pas exclusivement sur le littoral, et pourra pénétrer et se faire heureusement sentir dans l’intérieur de cette contrée magnifique et désolée.

Il eût appartenu aux États-Unis de se joindre à l’expédition européenne contre le Mexique ; mais la guerre civile ne peut leur permettre de tenter cet effort extérieur. Les États-Unis ont subi de la part du Mexique, dans la personne de leurs représentans et dans leurs nationaux, les mêmes outrages, les mêmes violences, les mêmes spoliations que nous. Sans la guerre civile, il est probable que les États-Unis eussent voulu obtenir du Mexique quelque chose de plus que des indemnités pécuniaires, et se fussent emparés de territoires depuis longtemps convoités. Il leur eût été doux d’ajouter la Sonora à la Californie. Les patriotes américains doivent regretter de laisser aux nations européennes la mission de châtier le Mexique. Il leur sera douloureux à coup sûr de voir les escadres et les soldats de France, d’Angleterre et d’Espagne dominer une des positions les plus belles de ce continent d’Amérique dont ils prétendaient interdire l’accès à la conquête européenne. Hélas ! si l’affaiblissement causé aux États-Unis par la guerre civile ne faisait que donner aux Américains des leçons de modestie, de tolérance et d’humanité, ce malheur ne leur serait point tout à fait inutile. Ce n’est pas seulement l’expédition contre le Mexique qui doit faire regretter aux Américains du Nord l’isolement vaniteux qu’ils ont toujours voulu garder envers l’Europe. Si en 1856 le gouvernement de Washington eût adhéré à la déclaration du congrès de Paris contre la course, les états du nord n’auraient point à redouter aujourd’hui pour leur commerce maritime les entreprises des corsaires du sud. Depuis que la guerre civile a éclaté, trop tardivement instruit par l’expérience, le cabinet de Washington a offert à la France et à l’Angleterre de se rallier aux principes du congrès de Paris contre la course. Les deux puissances ne se sont point trompées sur le motif d’une telle offre : elles ont compris que le gouvernement de Washington voulait avoir l’aide de leur marine de guerre pour réprimer les corsaires armés par les états confédérés. Elles ont accepté l’offre des États-Unis, mais elles ont déclaré qu’elles n’entendaient en aucun cas s’engager à la