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Partout où le télescope perfectionné fait pénétrer nos regards, partout où le microscope s’avance en des domaines jusque-là inconnus, que dis-je ? bien au-delà des limites où s’arrêtent nos instrumens actuels, dans les abîmes de l’espace où le calcul va saisir ce que nos yeux ne sauraient voir, partout bouillonne l’intarissable vie, partout se déroule le mouvement éternel. « Le soleil n’est plus immobile, s’écrie M. Émile Saisset ; Argelander prouve qu’il a un mouvement de translation et se dirige actuellement vers un point situé dans la constellation d’Hercule. Bessel calcule la vitesse de ce mouvement progressif et l’évalue à plus de six cent mille myriamètres par jour. On connaît vingt-huit mille étoiles multiples qui ont des planètes circulant autour d’un commun centre de gravité dans des orbites elliptiques et suivant les lois de la gravitation universelle. Et certes Pascal avait raison de dire que notre imagination se fatiguera plutôt de concevoir que la nature de fournir, car le moyen pour l’imagination de se représenter la distance d’une étoile dont la lumière emploie deux millions d’années à parvenir jusqu’à nous ? »

L’idée de la Providence s’agrandit en nous avec l’idée du cosmos. Ce sont encore les sciences, représentées par les plus illustres maîtres et les découvertes les plus fécondes, qui fournissent à M. Saisset la glorification de cette Providence véritablement infinie. Tout cela est grand et nouveau. J’admire aussi la hardiesse de ce spiritualisme viril, lorsque, parlant de la Providence dans l’homme, il repousse les chimères de nos jours et proteste contre l’abolition de la douleur. La douleur, ah ! nous avons beau la maudire quand notre âme fléchit sous ses coups, c’est elle qui est notre guide et notre sauvegarde en ce divin mystère où nous sommes engagés. Âme pusillanime qui te plains de ta souffrance, que serais-tu donc sans elle ? Une chose, non une personne. Au milieu de la lutte de tes penchans, c’est la douleur qui crée ta personnalité en t’obligeant à gouverner les puissances désordonnées de ton être. Terrible lutte parfois ! ton cœur saigne, tu pleures, tu cries,… réjouis-toi, tu es un homme ! Cette douleur qui te fait naître à la vie morale assure par là même ton immortalité. « Tout en toi tient de l’infini, la douleur comme le plaisir, l’ignorance comme le savoir, la vertu et la beauté comme le vice et la laideur. Tes douleurs sur la terre n’ont pas de limite, il est vrai, ne t’en plains pas, car cela signifie que ta puissance de connaître, de vouloir, de sentir et d’aimer a pour carrière la suite illimitée des siècles et pour objet l’être infini. »

L’infinité du monde, la Providence infinie, l’infini développement des destinées de notre âme, toutes ces grandes théories exposées par l’auteur avec autant de prudence philosophique que d’enthousiasme et de force ont pour couronnement naturel l’idée de la re-