Oh ! toi, tu ne crois à rien !
Si fait. Je crois au bon Dieu et aux bons saints ; mais les lutins, les dracs…
Les lutins, les lutins, il y en a de bons, il y en a de mauvais. Les dracs ne sont pas méchans quand on ne les fâche pas.
Oui, vous croyez que pour des noisettes ils font tout ce qu’on veut, qu’ils apaisent le vent, qu’ils poussent le poisson dans vos filets, et qu’ils vous font trouver de bonnes épaves sur la grève ?
Ça, j’en suis sûr ! C’est le drac de notre endroit qui m’a fait trouver toutes les planches de navire avec quoi que j’ai bâti notre maison et fait le mobilier, et mêmement des chapeaux neufs, des souliers encore bons et cinquante sortes de choses !
Vous l’avez donc vu, le drac ?
Si je l’ai vu ? plus de vingt fois ! Il avait une queue de poisson et des ailes de goéland. Voilà que tu ris encore, grande niaise !
Non, mais moi, je me figurais le drac plus gentil que ça !… Dites donc, mon père, c’est-il vrai que quand ils ne volent plus sur la mer, ils ne sont pas plus malins que nous, et que quand ils vous taquinent trop, on peut les mettre en cage ?
Ça se dit. On dit même que le père Bosc en a pris un qui rôdait dans son garde-manger, et qu’il lui a coupé la queue pour le reconnaître. Mais c’est ça des imprudences !… C’est depuis ce jour-là que le père Bosc n’a jamais pu digérer le poisson de mer ! C’est égal, tout ce que nous disons là ne fait pas revenir mon apprenti et ma barque ; je vas descendre au rivage.
Non, tenez, les voilà ! J’entends la voix de Nicolas.
Eh bien ! quand je te disais ! Tiens, regarde, plus de noisettes ! Le drac est venu, le drac est content ! C’est lui qui ramène Nicolas tout de suite.
Ou bien c’est le vent qui a emporté les noisettes et poussé la barque.