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fondateurs de la constitution américaine ont laissé la souveraineté aux états ; ils l’ont placée tout entière dans le président, dans la cour suprême et dans le congrès. Que l’on compare les attributions du président des États-Unis à ceux du souverain constitutionnel de la Grande-Bretagne, et l’on sera forcé d’avouer que c’est le président qui a le plus de pouvoir. Nous avons entendu nous-même cet aveu sortir de la bouche de lord Elgin, l’un des ministres actuels de sa majesté britannique.

Le président seul est, d’après la constitution, le commandant en chef, non-seulement de l’armée et de la marine des États-Unis, mais encore de la milice des divers états, quand il juge à propos de l’appeler au service des États-Unis ; le président a le droit de grâce dans le cas d’un crime commis contre les États-Unis ; il a le pouvoir, de l’avis et du consentement du sénat, de faire des traités ; il nomme, de l’avis et du consentement du sénat, les ambassadeurs, les consuls, les juges à la cour suprême, et tous les officiers des États-Unis ; il choisit ses ministres, il peut les prendre et les conserver lors même qu’ils n’ont pas ou n’ont plus la majorité dans le congrès, la responsabilité du président couvrant l’irresponsabilité ministérielle. Chaque état ne représente en réalité, dans la république américaine, qu’une subdivision administrative ; il est ce que serait le département en France, si par un coup de baguette on pouvait changer les préfets en gouverneurs nommés par les habitans, les conseils-généraux en chambres délibérantes, légiférant sur les affaires départementales. Administrativement, on peut dire que l’état est tout ; politiquement, qu’il n’est rien. Un simple citoyen peut, comme citoyen des États-Unis, tenir en balance tout le pouvoir d’un état, car il y a une cour suprême spécialement investie du pouvoir de régler « toutes les controverses entre deux ou plusieurs états, entre un état et des citoyens d’un autre état. » Le président ne connaît pas les états, il ne connaît que les individus. Il prête serment à la constitution, et celle-ci « est et sera la suprême loi du pays, nonobstant tout ce qui pourrait y être contraire dans la constitution ou dans les lois d’un état. » Tous ceux qui ont étudié avec soin la constitution américaine ne l’ont jamais interprétée autrement que dans le sens d’un gouvernement national, consolidé, reposant sur la souveraineté directe et exclusive du peuple. La démocratie ne reconnaît et ne saurait, pour rester logique, reconnaître aucune autre souveraineté ; or y a-t-il un peuple du Maryland, un peuple du Massachusetts, un peuple de la Virginie ? La constitution fut adoptée par le peuple américain tout entier : elle ne fut point ratifiée par les états, mais par la nation. Si le vote eut lieu dans les divers états, ce ne fut que la conséquence d’une nécessité purement géographique. « Les électeurs,