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habitans. Cette assertion doit être exagérée, car l’île ne présente aucune trace de volcan, et les géologues ne connaissent pas d’exemple de tremblement de terre qui ait produit de tels effets. Selon le récit de Cédrenus, la ville de Salamine en Chypre fut renversée sous le règne du grand Constantin. Ces phénomènes furent assez puissans pour troubler les hommes, mais non l’ordre de la nature ; les grandes convulsions du monde physique étaient passées.

Tels sont les principaux événemens de l’histoire géologique de Chypre. Quels en furent les résultats ? A quoi aboutirent de si longues formations, de si terribles bouleversemens ? En se soulevant, les montagnes avaient laissé entre elles des plaines centrales qui, s’étendant sans interruption depuis le rivage occidental jusqu’au rivage oriental, semblent une voie immense destinée à relier toutes les parties de l’île. En outre une bande de plaines très étroite borde presque partout les rivages ; on dirait un chemin de halage établi pour suivre la mer dans les régions même les plus montagneuses. À ces dispositions si merveilleuses pour la facilité des communications, Chypre joint l’avantage d’être découpée à ce point, que bien peu de pays du monde offrent, comparativement à leur surface, une telle étendue de côtes. Les agriculteurs sont, si près de la mer qu’ils peuvent charger directement leurs produits sur les navires. La civilisation dut faire de rapides progrès dans un pays où la nature a réuni tant de facilités pour les relations.

Les Cypriotes n’eurent point besoin de courir les mers pour acquérir des trésors : ils trouvèrent la richesse dans leur propre sol. Les Monts-Olympes abondent en métaux. Ces métaux ne sont plus exploités, mais ils l’ont été autrefois sur une très vaste échelle. On rencontre en plusieurs endroits d’immenses amas de scories provenant d’antiques fonderies de cuivre. Les Cypriotes de notre temps n’imaginent pas qu’autrefois l’industrie fût assez développée pour que de telles quantités de scories aient pu sortir de la main des hommes ; ils croient que ce sont des produits d’anciens volcans. D’après Pline, ce serait Cinyras, qui, vers le temps de la guerre de Troie, découvrit l’art d’exploiter les mines de cuivre ; ce roi inventa aussi les tenailles, le marteau de forge, le levier et l’enclume. L’exploitation du cuivre, à une époque où les métaux étaient encore très rares, devint sans doute pour Chypre la source d’une extrême richesse. J’ai recueilli un grand nombre d’anciennes scories ; M. Terreil, qui les a analysées, n’y a rencontré que des traces de cuivre, ce qui prouve l’habileté des anciens exploitans. Le cuivre de Chypre était employé à une infinité d’usages ; il n’est donc pas étonnant que les Romains aient imposé à ce métal le nom de cuprum, qui rappelle l’île même (Cyprus) où il avait été inventé et travaillé de tant de