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LE DRAC.

avait trois femmes, c’était un Turc. Le capitaine a pris la plus jeune, le lieutenant a pris la seconde… Restait la plus vieille dont personne ne voulait, car elle n’avait plus que trois dents et un œil, ce qui ne l’empêchait pas d’être bossue des deux épaules et boiteuse des deux jambes… Mais moi qu’avais compris des mots de leur chienne de langue… André reste en extase devant les coquilles.


Scène X.

LE FAUX BERNARD, ANDRÉ, LE DRAC.
LE DRAC, au fond, derrière la porte vitrée.

Que fais-tu là, esprit fantasque ?

LE FAUX BERNARD

J’embrouille et j’amuse, je complique et j’éblouis. Je trace le rêve dans le cerveau de ma proie. C’est le livre où je peins ma fantaisie ; c’est le miroir, je suis l’image !

LE DRAC

Dans quelle extase plonges-tu ce vieillard ?

LE FAUX BERNARD

J’obéis à des lois que les hommes ne peuvent deviner. C’est à eux de trouver leur perte ou leur salut dans mon caprice ; c’est à toi d’en tirer parti pour tes desseins.

LE DRAC

C’est bien, mais hâte-toi.

ANDRÉ, sortant de son extase, sans voir le drac.

Tu disais donc ?…

LE FAUX BERNARD

Que c’était sa mère.

ANDRÉ

Au lieutenant ?

LE FAUX BERNARD

Au pirate ! Vous n’écoutez donc pas ?

ANDRÉ

Si fait, va toujours ! il retombe dans l’extase. LE FAUX BERNARD. Pour lors… Au drac. Où est-il, celui dont j’ai pris la ressemblance ?

LE DRAC

Malgré moi, il vient. Abrège.

LE FAUX BERNARD, très haut.

Et comme je le menaçais de la pendre…

ANDRÉ

Qui, ma fille ?