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le bien que nous en augurions, ce bien ne sera complètement réalisé qu’à deux conditions : la première, c’est que le gouvernement renonce à dominer les élections du corps législatif en portant dans la lutte électorale la pression des forces administratives ; la seconde, que la presse soit admise de plus en plus à un régime de liberté qui lui rende la spontanéité des inspirations, l’émulation des efforts et le sentiment de sa dignité.

Devant l’événement de ce jour, l’intérêt de toute autre question intérieure s’efface. Depuis près d’une semaine, l’opinion publique était avertie vaguement de l’importante modification qui se préparait. L’on avait cru un instant que des questions secondaires avaient compromis le succès du programme présenté par M. Fould. Après avoir lu les publications du Moniteur, on ne peut croire que des intérêts aussi élevés que ceux qui sont traités dans ces documens aient pu être un seul instant mis sérieusement en balance avec des considérations d’un ordre subalterne. Il faut abandonner ce qui a été dit à ce sujet aux commérages des nouvellistes.

La question italienne, qui nous touche d’ailleurs de si près, était devenue depuis trois semaines pour nous une question intérieure, grâce au séjour à Paris de M. Rattazzi. La présence en France du président de la chambre des députés italiens annonçait-elle un tour nouveau dans la marche des affaires de la péninsule ? déterminerait-elle une résolution active de la politique française ? On ne pouvait pas se poser ces questions avec une bien grande anxiété. L’aspect général des affaires en France, en Italie, en Europe, n’est pas tel que l’on ait lieu de craindre nulle part en ce moment des surprises et des coups de tête. Nous venons de voir que la prochaine campagne politique en France sera occupée par les questions financières ; tout annonce que l’Italie, elle aussi, devra consacrer sa prochaine session parlementaire aux questions d’organisation intérieure et de finances. M. Rattazzi a dû porter à Paris des idées fermes sans doute sur l’objet final du mouvement de l’indépendance italienne, mais pratiques et prudentes quant aux moyens à employer pour atteindre cet objet. Il a trouvé chez nous des encouragemens persistans pour l’œuvre de la régénération italienne et des conseils de patience. Au surplus, tous les esprits sages en Italie et tous les vrais patriotes comprennent que la patience doit, par le temps qui court, être la vertu politique des Italiens. Il ne serait pas impossible que cette patience, après un certain temps, n’obtînt sa récompense du côté des affaires de Rome. C’est avec plaisir que l’on a vu Garibaldi lui-même recommander cette politique de temporisation. Les tentatives essayées par quelques ardens pour compromettre le parti de l’action du côté de la Vénétie ne sont donc point à craindre. Il n’y a pas lieu non plus d’appréhender que des conflits d’amour-propre et d’ambition mettent la division au sein du parlement italien. Les Italiens ont besoin de donner longtemps encore à l’Europe le spectacle de leur concorde, et ils le comprennent. Les bruits de crise ministérielle qui avaient été mis en circulation il y a quelque