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Je commence par la preuve directe. » Là-dessus il donne ses divisions. Quel démonstrateur solide ! on est tenté de le lire du pouce et non des yeux.

Quarante-deuxième sermon : contre la médisance. — « Premièrement j’examinerai la nature de ce vice et ce en quoi il consiste, secondement je considérerai jusqu’où s’étend la défense qui nous est faite de nous y livrer, troisièmement je montrerai le mal de cette habitude tant dans ses causes que dans ses effets, quatrièmement j’ajouterai quelques considérations supplémentaires pour en détourner les hommes, cinquièmement je donnerai quelques règles et directions qui serviront à l’éviter et à le guérir. » Quel style ! Et il est partout pareil. Rien de vivant ; c’est un squelette sec avec toutes ses attaches grossièrement visibles. Toutes les idées sont étiquetées et numérotées. Les scolastiques n’étaient pas pires. Ni verve ni véhémence, point d’esprit, point d’imagination, nulle idée originale et brillante, nulle philosophie, des citations d’érudit vulgaire, des énumérations de manuel. La lourde raison raisonnante arrive avec son casier de classification sur une grande vérité de cœur ou sur un mot passionné de la Bible, l’examine « positivement, puis négativement, » y démêle « un enseignement, puis un encouragement, » met chaque morceau sous une étiquette, patiemment, infatigablement, si bien que parfois il faut trois sermons complets pour achever la division et la preuve, et que chacun d’eux à l’exorde contient le mémento méthodique de tous les points traités et de tous les argumens fournis. Les disputes de notre Sorbonne ne se faisaient pas autrement. à la cour de Louis XIV, on l’eût pris pour un échappé de séminaire ; Voltaire l’appellerait curé de village. Il a tout ce qu’il faut pour choquer les gens du monde, et il n’a rien de ce qu’il faut pour les attirer. C’est qu’il ne s’adresse point à des gens du monde, mais à des chrétiens ; ses auditeurs n’ont pas besoin ni envie d’être piqués ou amusés ; ils ne demandent pas des raffinemens d’analyse, des nouveautés en matière de sentimens. Ils viennent pour qu’on leur explique l’Écriture et qu’on leur prouve la morale. La force de leur zèle ne se manifeste que par le sérieux de leur attention. Que d’autres fassent du texte un prétexte ; pour eux, il s’y attachent ; c’est la parole même de Dieu, on ne peut trop s’y appesantir. Ils veulent qu’on cherche le sens de chaque mot, qu’on interprète le passage phrase à phrase, par lui-même, par ses alentours, par les passages semblables, par l’ensemble de la doctrine. Ils consentent à ce qu’on cite les diverses leçons, les diverses traductions, les diverses interprétations ; ils sont contens de voir l’orateur se faire grammairien, helléniste, scoliaste. Ils ne se rebutent pas de toute cette poussière d’érudition qui s’échappe des in-folio