Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/572

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les études qui ont précédé cette annexion nous apportent quelques renseignemens pleins d’intérêt sur la physionomie de cet archipel et sur les grands changemens moraux qui s’y produisent, grâce au généreux dévouement et aux efforts infatigables des missionnaires. M. Berthold Seeman a publié dans des recueils allemands et anglais des fragmens à l’aide desquels nous pouvons le suivre dans l’intéressante exploration qu’il a faite à travers les régions les moins connues de la grande île ; mais il est nécessaire de réunir d’abord quelques notions d’ensemble, pour mieux éclairer le théâtre sur lequel va nous conduire le savant voyageur.


I

Deux cents îles ou îlots composent l’archipel Viti ou Fidji. De ces îles si nombreuses, deux seulement ont une véritable importance : ce sont Vanua-Levou et Viti-Levou. Elles ont l’une et l’autre de trente-cinq à quarante lieues de long. La première est étroite, la seconde presque ronde et à peu près aussi longue que large, c’est elle par conséquent qui est la plus considérable. Elles s’étendent du 177e au 180e degré de longitude est de Paris, et du 16e au-delà du 18e parallèle sud. C’est en latitude une position intermédiaire à la Nouvelle-Calédonie et à Taïti. Autour des deux îles principales s’en trouvent quelques autres, d’étendue beaucoup moindre, mais peuplées cependant, telles que Vanua ou Taviouni, Goro ou Koro, Ango, Ovalou, Kandabon, Yendua. Ensuite s’étend un véritable semis d’îlots et de rochers, et l’archipel entier est enveloppé de ces récifs de corail qui rendent si dangereuse la navigation à travers les archipels de l’Océanie.

L’archipel Viti a été classé dans la Mélanésie, à l’extrémité de laquelle il forme une pointe avancée vers la Polynésie, et ce n’est pas en vertu d’un caprice géographique et par une ligne arbitrairement tracée qu’il est entré dans cette délimitation ; c’est parce que sa population présente des caractères très distincts de ceux des races polynésiennes. Elle semble, d’après ses traits physiques et par certains indices du langage, provenir d’un mélange de Malais et de Papous. Les individus qui la composent n’ont pas la beauté régulière des indigènes de la Nouvelle-Zélande, des Sandwich et de Taïti ; mais ils n’ont pas non plus le caractère d’abjection des Mélanésiens purs de l’Australie et de la Nouvelle-Calédonie. Ils sont grands, agiles et vigoureux ; le haut du visage est large, le nez gros et aplati, la bouche grande ; les yeux farouches sont surmontés de forts sourcils, les lèvres sont épaisses, les dents blanches, les cheveux abondans et crépus. Le ton de la peau est d’un noir jaunâtre,