Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 36.djvu/576

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’îles, de bancs, de bas-fonds et de rochers. Il était entré par le nord-est dans l’archipel et n’entrevit que les îlots qui entourent Vanua-Levou, auxquels il donna le nom de Terre du Prince-Guillaume. Cook, dans ses deux voyages en 1774 et 1777, visita plusieurs petites îles de l’archipel. Bligh le traversa en 1789 sur la chaloupe où l’avait jeté la mutinerie de ses équipages. L’Anglais Wilson rapporta un des premiers quelques notions d’hydrographie exactes. La carte dressée par Krusenstern en 1824 n’était qu’une ébauche incertaine, et celle même que notre compatriote Dumont-d’Urville a jointe au voyage de l’Astrolabe et de la Zélée, publié en 1842[1], ne donne encore avec exactitude qu’une très petite portion de l’archipel. C’est aux auteurs de recherches toutes récentes que revient le mérite d’avoir enfin réuni les notions à l’aide desquelles M. Petermann a dressé, dans l’excellent recueil des Mittheilungen, une carte assez complète de la plus grande partie de l’archipel, que nous allons parcourir maintenant sur les pas de M. Seeman.


II

C’est par l’île Taviouni, située au sud-est de Vanua-Levou, que le naturaliste allemand commença de visiter l’archipel Viti. Il descendit en un point appelé Somosomo, où un Anglais, qui y exploitait depuis quelques années une fabrique d’huile de coco, lui offrit l’hospitalité. Taviouni, la plus considérable du groupe après les deux grandes îles et longue d’environ dix lieues, est formée d’une arête montagneuse qui court du nord-est au sud-ouest, et s’élève de deux cent cinquante à trois cents pieds anglais à ses points culminans. Elle est couverte de cocotiers et présente partout une riche végétation et un riant aspect. Le voyageur mit a profit le court espace de

  1. Le voyage de circumnavigation de Dumont-d’Urville date aujourd’hui de vingt ans. Les circonstances dans lesquelles il visita les îles Viti méritent d’être rappelées. Après avoir relevé un très grand nombre de petites îles qui forment la partie sud-est de l’archipel Viti, il s’arrêta à la pointe extrême est de Viti-Levou, à un îlot appelé Péva, pour tirer vengeance d’un chef qui, quelques années auparavant, avait pillé et pris un petit bâtiment de commerce français, l’Aimable-Joséphine, et en avait massacré l’équipage. C’était de ce crime que le capitaine Dumont-d’Urville avait à tirer vengeance. Le chef qui l’avait commis, nommé Nakalassé, continuait de gouverner la tribu de Péva. À l’approche des vaisseaux, instruit par un réfugié anglais, qui lui servait de conseiller, du sort qui l’attendait, il chercha, avec les hommes de sa tribu, un refuge dans les montagnes. Deux compagnies, formant un corps de quatre-vingts officiers et soldats, débarquèrent, et, ne pouvant suivre le chef ennemi dans des montagnes et des bois inextricables, elles mirent le feu aux cases et détruisirent le village de fond en comble. L’officier français, après cette exécution, s’arrêta quelque temps à la côte de l’Ile Ovalou, où il put voir et étudier les habitudes des indigènes ; puis il quitta l’archipel en longeant une partie de la côte méridionale de Vanua-Levou.