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le temple de Cérès. Cette circonstance nous révèle l’autre devoir principal de l’édilité, l’alimentation publique. Ce fut par là que les édiles maintinrent longtemps leur importance. Ils nourrissaient le peuple. Dans les temps de famine, les pauvres venaient à la porte du temple de Cérès demander du pain, qu’on leur donnait, comme les mendians vont encore aujourd’hui recevoir une soupe dans les couvens voisins. Ce qui valait mieux que de distribuer du pain, c’était de faire que le blé fût à bon marché. Un édile nommé Trebius sut par ce moyen inspirer au peuple une telle reconnaissance qu’on lui éleva des statues sur le Palatin et sur le Capitole, et que les plébéiens portèrent sur leurs épaules au bûcher le corps de leur bienfaiteur.

Les jeux étaient à Rome, comme toutes les institutions, une institution à la fois religieuse et politique. On établit les jeux apollinaires et les représentations théâtrales dans des temps de péril ou de contagion pour apaiser la colère des dieux, puis les jeux plébéiens en mémoire de la liberté reconquise et de la réconciliation des deux ordres. Ceux-ci étaient du ressort des édiles. L’origine des jeux se rattache à celle des monumens et par là fait partie de leur histoire. On les vouait avec les temples. Les édiles, chargés du temple de Cérès, présidaient aux jeux de Cérès, à ceux de Liber et de Libéra, dont le culte se célébrait dans le même temple et dont les noms rappelaient l’idée de liberté, enfin aux jeux de Flore, déesse également rustique et par conséquent plébéienne, car, avant d’être la déesse des fleurs, elle avait été celle des fruits.

Les occupations des édiles exigeaient qu’ils eussent à leur disposition lin grand nombre d’employés, ce que nous appellerions des gens de bureau, des secrétaires, des copistes, des huissiers. Un monument qui existait encore au XVIe siècle, et dont quelques restes subsistent dans le voisinage du temple de Vespasien, près du Forum, était destiné à l’habitation de ce personnel de l’édilité. C’était un portique à trois arcades avec des chambres ; il portait le nom de Schola Xantha, parce qu’un affranchi nommé Xanthus l’avait fait rebâtir. Schola voulait dire confrérie, corps de métiers. Une inscription nous apprend que cet édifice était à l’usage des scribes, des libraires, c’est-à-dire des copistes, des huissiers (prœcones) attachés au service des édiles curules. On voit que non-seulement les hautes charges, mais encore les plus humbles fonctions, ont à Rome leurs monumens. Ce fut au temps de cette popularité des édiles que les jeunes patriciens, saisis d’un beau zèle, demandèrent qu’une place leur fût donnée dans l’édilité. De là naquit la charge des édiles curules, qui, au bout d’un an, fut accordée indistinctement aux patriciens et aux plébéiens. C’est que dans l’origine l’édilité