Rome par une des portes du Quirinal, la porte Salutaire ou la porte Sanqualis. Pourquoi allèrent-ils par un assez long détour chercher la porte Carmentale (aux environs du théâtre de Marcellus) ? Ce dut être dans une pensée religieuse. Ils avaient une procession à faire, et, comme on dit aujourd’hui, à visiter les sanctuaires, les sanctuaires liés à la religion de leur gens. Les Fabius, étant Sabins, étaient très religieux. Selon une version, improbable il est vrai, du récit de leur mort, mais caractéristique en ce qu’elle montre l’idée qu’on se faisait de leur piété, ils avaient péri pour être revenus à Rome des bords de la Cremera, afin d’y accomplir un sacrifice. Pendant le siège du Capitole par les Gaulois, un jeune Fabius traversa deux fois l’armée.des assiégeans pour aller s’acquitter d’un devoir pieux de sa famille sur le Quirinal et en revenir. Cette fois, si, pour sortir de la ville, ils firent un assez grand détour, c’est qu’ils voulaient visiter des lieux qui leur étaient sacrés et y faire leurs dévotions, comme un bataillon de Romains modernes, dans le temps où les Romains étaient plus dévots qu’ils ne sont aujourd’hui, aurait voulu faire les siennes dans les églises placées sous le patronage de leurs chefs : l’église des Saints-Apôtres, s’ils avaient été les vassaux des Colonna ; l’église de Sainte-Pudentienne, s’ils avaient été les vassaux des Caetani. Quelques-uns des Transteverins qui partaient, il y a trois ans, pour aller rejoindre les troupes de Victor-Emmanuel ont peut-être, avant de partir, été faire une prière à Santa-Maria in Trastevere.
La route que suivirent les Fabius, du Quirinal à la porte Carmentale, leur permit, en prenant le plus long, il est vrai, de traverser le Comitium et de se montrer ainsi fièrement dans, l’accomplissement de leur noble dessein aux patriciens ingrats qui s’étaient détachés d’eux, aux plébéiens du Forum dont ils étaient devenus les protecteurs et qui, après les avoir souvent maudits, ce jour-là célébraient avec enthousiasme leur magnanimité. Ils voulaient sans doute passer devant l’antre Lupercal, dont ils étaient les prêtres héréditaires, et aller jusqu’au temple d’Hercule, duquel prétendaient descendre ces Héraclides de Rome, comme les appelle Niebuhr. La porte Carmentale elle-même qu’ils avaient choisie était un lieu consacré par la religion de leur famille, car là étaient l’autel et le sanctuaire de la déesse Carmenta, la mère d’Évandre, et ils rapportaient aussi leur origine à ce héros arcadien. L’antre Lupercal, le temple d’Hercule, le sanctuaire de Carmenta, se rattachaient aux traditions de cette antique famille sabine.
Cette porte leur fut fatale. Elle était formée de deux arcades latérales, de ce qu’on appelait deux janus, l’un pouvant servir à ceux qui entraient dans la ville, l’autre à ceux qui en sortaient, de