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le péril. L’attente agrandissait les prétentions et les espérances. Et qu’en résultait-il ? C’est qu’en peu de temps, sous l’apparence d’un règne triomphal, avec un pape aimant le bien, mais l’aimant d’un amour irrésolu et stérile, environné d’une popularité inouïe, mais toute personnelle, c’était le pouvoir temporel lui-même qui périssait, qui s’en allait au courant des choses. Rossi ne s’y méprenait pas ; il suivait d’un regard perçant et assuré ce mouvement singulier, s’animant lui-même au feu de ces luttes, s’intéressant à tout, tirant hardiment les conséquences des actes qu’il voyait s’accomplir et qu’il n’eût pas osé conseiller quelquefois, parce qu’il en sentait la portée, aimant le pape, mais réduit à croire à son cœur plus qu’à son intelligence politique, et mesurant l’abîme qui s’ouvrait. Après avoir cru à la possibilité de tout faire grandement et librement, il en venait à redire chaque jour : « Ce qui était possible il y a quelque temps ne l’est plus maintenant,… la position n’est plus entière,… il faut agrandir le programme. »

Le jour où l’on créait la garde civique, Rossi écrivait : « Cette concession, à laquelle personne ne songeait il y a huit mois, et qui est à mes yeux plus considérable que toutes celles qu’on désirait alors et dont on se serait contenté, n’est qu’une conséquence forcée de toutes ces lenteurs que nous n’avons cessé de représenter comme dangereuses. Je me trompe peut-être ; mais c’est là, ce me semble, l’institution qui, si elle se développe et prend racine dans le pays, ouvrira nécessairement aux laïques une large porte dans le gouvernement. Lorsque le pays laïque aura senti toute la puissance de son intervention dans une partie aussi essentielle que la force nationale, il sera difficile de lui persuader qu’il doit demeurer étranger à tout le reste. Le gouvernement pontifical se trouvera ainsi avoir fait ce qu’il ne voulait pas faire, ou, pour mieux due, le contraire de ce qu’il voulait faire. Au surplus ce n’est pas à nous, je crois, de nous en affliger (8 juillet 1847). » Le jour où une fête populaire promise par le pape pour l’anniversaire de l’amnistie menaçait de mettre Rome en feu et trouvait le gouvernement annulé, la secrétairerie d’état en interrègne, la police absente, la force publique flottante et ne sachant plus où était le devoir, Rossi disait au cardinal Gizzi : « Songez bien que c’est ainsi que les pouvoirs périssent et que les catastrophes s’annoncent. » Et il écrivait le lendemain au gouvernement français : « J’espère que ce mot de révolution est encore trop gros pour la situation, et que nous ne serons pas forcés de nous en servir. Cependant j’ai cru devoir m’en servir hier ad terrorem. Je me rendis à la secrétairerie d’état. Je trouvai Mgr Corboli assez ému ; je lui dis sans détour que je ne voulais pas revenir sur le passé, que je ne voulais pas rechercher s’il n’eût pas été facile