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proscrit. À mon âge, on ne recommence pas ce jeu. Je veux redevenir Italien, non émigré… Le pape a levé tous mes doutes. Sa sainteté a daigné pour la seconde fois faire appel à mon concours pour la formation d’un ministère… J’ai adhéré aux désirs de sa sainteté. Je reste Italien, mais à Rome, et avec l’espérance que mon concours ne sera pas inutile à l’Italie et à ses institutions nouvelles… Je sais quelle difficile entreprise j’accepte ; je sais que je trouverai des obstacles et des empêchemens là où je devrais trouver encouragement et secours. Je ferai néanmoins ce que je pourrai pour satisfaire ma conscience d’homme, de citoyen et d’Italien, laissant, comme j’ai toujours fait, les misérables et les fous s’agiter et clabauder à leur aise. » L’entreprise n’était ni facile ni sans péril en effet à ce moment où Rossi acceptait résolument le ministère, aux premiers jours de septembre.

Qu’on se représente ce qu’était devenue la situation de l’Italie : les premières victoires de la guerre de l’indépendance s’étaient changées en désastres. L’armée piémontaise, battue, décomposée, avait été réduite à accepter un pénible armistice avec les Autrichiens, et l’esprit révolutionnaire, exalté par les défaites, s’agitait partout, excepté à Naples, où la réaction avait triomphé. La papauté, réduite à subir un ministère démocratique, n’était pas moins suspecte et haïe pour son abandon de la cause nationale, pour ses secrètes hostilités contre les institutions libérales. Il s’agissait de reprendre une de ces transactions dont Rossi avait eu la pensée au commencement du pontificat de Pie IX. Il s’agissait de tenter encore une fois, quoique dans des conditions bien aggravées, de raffermir la papauté en la réconciliant avec l’Italie et en lui donnant la force nouvelle d’un régime libéral régulièrement organisé. C’était une pensée faite pour enflammer un esprit tel que Rossi. Malheureusement il avait tous les obstacles à vaincre. Il trouvait devant lui des ennemis de toute sorte, les uns violens, exaspérés, rêvant des agitations indéfinies, pleins de haine contre celui qui venait tenir tête à la révolution ; les autres, partisans du vieux régime pontifical et redoutant un réformateur modéré, habile et résolu, bien plus qu’un révolutionnaire. Rétrogrades et factieux sentaient un maître et lui vouaient une haine peut-être égale. Ce n’était pas tout encore. L’obstacle venait même du dehors, et la république française faisait presque une querelle à Pie IX de l’avènement de Rossi au pouvoir. L’ambassadeur de France à Rome reçut un jour cette singulière dépêche : « Si l’on persistait dans ce dessein, vous feriez connaître au gouvernement pontifical que nous serions aussi surpris que mécontens, que nous ne pourrions voir là qu’une façon d’agir tout à fait contraire, non-seulement aux relations amicales qui doivent exister