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elles se trouvent mêlées, pour faire justice de ces espérances chimériques.

La race allemande au contraire, qui ne compte pas plus de huit millions d’hommes, réside principalement dans des pays où elle se trouve non-seulement en majorité, mais sans mélange. Elle occupe, comme une forteresse centrale, le cœur même de l’empire, et a pu, comme en autant de postes avancés tous reliés entre eux, pousser en avant des colonies puissantes dans les pays limitrophes, la Bohême, la Styrie, la Moravie, la Hongrie elle-même. Lorsqu’aucune autre circonstance ne militerait en faveur de la race allemande, lors même qu’elle ne serait pas la plus avancée dans les arts, dans le commerce, dans l’industrie, il suffirait de se rendre compte de cette position géographique, de considérer cette agglomération, cette cohésion cimentée par l’unité de langue, de religion, de traditions historiques, pour y trouver la loi de la suprématie de la race allemande sur toutes les autres, et la raison qui a réuni sur la tête d’un prince allemand les treize couronnes de l’empire.

La race magyare, venue d’Asie, ne compte pas cinq millions d’individus. Comme la race allemande, elle est concentrée principalement dans un même territoire, mais elle ne l’occupe pas seule : à peine dans la Hongrie proprement dite se trouve-t-elle en nombre égal aux autres populations, puisque sur 8,055,000 habitans elle ne figure que pour le chiffre de 4,015,000. Sans discuter dès à présent les droits que les Magyars revendiquent sur les provinces autrefois annexées à la couronne de saint retienne, telles que la Transylvanie, la Croatie, l’Esclavonie et la Dalmatie, il est impossible, même en ce qui concerne la Hongrie, de ne pas signaler comme un sérieux obstacle au droit de prééminence de la race magyare la coexistence sur le même sol de près de 2 millions de Slaves, de 1 million d’Allemands, de 500,000 Ruthènes et de 600,000 Roumains. L’adhésion libre de toutes ces races étrangères pourrait seule justifier la suprématie magyare selon les maximes du droit moderne.

Enfin la race gréco-latine comprend (en ne tenant pas compte des 2 millions et demi d’Italiens du Manlouan et de Venise) au plus 3,200,000 individus, dont les Roumains forment plus des trois quarts. Ceux-ci habitent presque tous la Transylvanie, le banat de Temesvar et les comitats de la Hongrie qui touchent à la Transylvanie. De toutes les races qui forment la population de l’empire, c’est de beaucoup la moins éclairée et celle dont il importe le plus d’élever le niveau moral. Le voisinage des principautés danubiennes, l’existence indépendante qu’elles doivent à l’avènement du prince Couza, ont excité dans le cœur des Valaques autrichiens des désirs qu’une sage politique commande de satisfaire.