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un projet d’adresse solennelle, c’est-à-dire en parlant au nom de toute l’assemblée, les déclarations qu’il avait déjà faites pour son compte personnel dans son fameux discours du 3 mai 1861. L’orateur avait posé trois questions. 1° Il fallait que les lois de 1848 fussent préalablement rétablies dans toute leur intégrité : elles avaient été adoptées par la diète, sanctionnées par le roi de Hongrie, cet empereur Ferdinand qui avait tout concédé au mouvement hongrois comme à l’insurrection bohème. Or l’indépendance de la Hongrie, stipulée dans l’accord intervenu entre la diète nationale et l’empereur d’Allemagne en 1322, consacrée par le serment solennel de tous ses successeurs, serait une lettre morte, si des lois régulièrement rendues disparaissaient à la suite d’une occupation violente. Sans doute les lois de 1848 devaient être l’objet d’une révision ; mais c’était à la diète elle-même d’y pourvoir. 2° Le diplôme du 20 octobre n’avait rendu à la Hongrie qu’une partie de ses droits, celui de s’administrer intérieurement, celui de faire les lois qui lui étaient spécialement applicables ; mais, en établissant qu’un conseil d’empire siégeant à Vienne, dans lequel, il est vrai, étaient appelés des députés hongrois, pourrait seul statuer sur les questions d’impôt, d’enrôlement, sur les affaires extérieures, ce diplôme s’exposait à faire décider par des députés non hongrois les questions qui concernent la Hongrie : c’était violer sa souveraineté. Si la couronne de Hongrie repose sur la tête du monarque qui gouverne aussi l’Autriche, elle n’est point inférieure à la couronne autrichienne, elle est indépendante et souveraine. 3° Enfin la Hongrie n’était pas même complète et entière, puisque les parties annexées, c’est-à-dire la Croatie et l’Esclavonie, conquises par ses armes, et la Transylvanie, réunie en 1848 par une décision de la diète, en demeuraient encore séparées : le parlement en un mot n’était qu’un parlement restreint.

Serré dans la forme, net au fond, ce projet d’adresse ne parut point encore à la majorité de la diète suffisamment énergique. Après une discussion dans laquelle l’œuvre de M. Deak fut singulièrement altérée, le comte Varady fit adopter un amendement où une quatrième question était posée, celle de l’irrégularité de la prise de possession du trône par le souverain actuel. L’empereur Ferdinand, son oncle, et l’archiduc François-Charles, son père, dans leur acte d’abdication, n’avaient ni l’un ni l’autre renoncé spécialement à leurs droits au trône de Hongrie ; la diète hongroise n’avait point été informée de cette renonciation. François-Joseph lui-même ne procédait point à la cérémonie indispensable du couronnement. L’adresse ainsi amendée fut adoptée, malgré les protestations de M. Deak, à cinq voix de majorité, et contre toute attente la chambre des magnats ne lui fit subir aucune modification.