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sans doute à prendre date dans l’histoire, que celui où l’empereur d’Autriche, le représentant d’une monarchie considérée comme vouée à l’absolutisme, prononça cette allocution grave, simple et franche qui conviait tous les états de son empire à l’exercice d’une liberté sérieuse, garantie par un pouvoir qui voulait rester fort. Les diplômes du 20 octobre 1860 et du 26 février 1861 pouvaient n’être que des promesses ; la séance du 1er mai leur donna une consécration éclatante. Une fois constituées, les deux chambres du Reichsrath eurent à s’occuper de matières importantes, des orateurs éminens s’y firent entendre ; mais par cela même que les véritables intéressés n’y voulurent pas comparaître, que le débat se vidait au dehors, l’intérêt des séances se trouva singulièrement amoindri, et, malgré la durée de la première session, les travaux du Reichsrath ne donnèrent que de médiocres résultats.

Trois partis se sont formés dans le parlement autrichien : celui des fédéralistes, composé des députés polonais et bohèmes, qui revendiquent pour les diètes provinciales les pouvoirs législatifs les plus étendus, et auxquels s’adjoignent quelques seigneurs jaloux d’exercer dans leurs localités des influences traditionnelles. C’est ainsi qu’on voit le comte Clam-Martinitz de la Bohême parler dans le même sens que le Tchèque Rieger et le Polonais Smolka. Après les fédéralistes vient le parti des centralistes, auquel appartiennent les hommes de l’ancienne administration et les libéraux irrités de l’opposition hongroise ou croate, pressés par conséquent de voir le Reichsrath, restreint de fait, sinon de droit, assumer la responsabilité de voter les lois communes à tout l’empire, et de fonder enfin pour tous le régime constitutionnel. Entre ces deux partis, la majorité dans les deux chambres, avec une nuance plus monarchique dans la chambre haute et des sentimens plus libéraux dans la chambre des députés, est dévouée à la politique du gouvernement, et suit de préférence la direction que M. de Schmerling lui imprime. Cette politique qui veut donner aux nationalités tout ce qu’il est permis de leur donner, non pas peut-être parce que c’est le parti le meilleur, mais parce que cela a été promis, qui maintient avec vigueur les prérogatives de la couronne et les conditions nécessaires à la grandeur de la maison d’Autriche, qui fait une grande part aux traditions et se montre réservée dans l’usage pratique des libertés dont elle proclame sans restriction la légitimité théorique, semble s’incarner tout entière dans la personne de M. de Schmerling. Le froid et sévère ministre de l’empereur François-Joseph ne s’anime sous aucune attaque et ne se trouble sous aucune contradiction. Homme de 1848, c’est un libéral ardent, tandis que, par sa naissance et sa situation, il reste un conservateur sincère.