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les lustres de son brillant bazar. Moutto Carpain m’a même avoué que son patron, malgré ses richesses, n’a chez lui aucune arme à feu pour se défendre en cas de surprise.

On connaît le pittoresque costume des Parsis, composé d’une chemise, d’un pantalon et d’un cafetan de mousseline blanche, et chacun a vu, au moins en peinture, leur bonnet traditionnel. Les femmes parsies ont emprunté aux Indiennes leurs nombreux bijoux et leurs somptueuses parures ; leurs enfans sont aussi très richement habillés, et portent des vêtemens de soie et de petits bonnets brodés d’or. Tous les riches Parsis de Steamer-Point habitent des appartemens meublés à l’européenne, et Cowasjee a fait disposer pour l’agrément des passagers qui le visitent de vastes salons munis de larges fauteuils, de moelleux canapés, décorés de tableaux-et de glaces, et où l’on trouve même une bibliothèque. La salle est ventilée par un punka, et, pour peu qu’on en manifeste le désir, Cowasjee peut rafraîchir le visiteur altéré par un vin de Champagne des meilleurs crus.

Pour terminer la revue des différentes races indigènes ou émigrées cantonnées dans la presqu’île d’Aden, il me reste à parler des Africains. Ceux-ci sont principalement des Soumalis, que le lecteur connaît déjà dans leurs traits principaux, ou bien d’autres noirs de l’Afrique, esclaves échappés ou délivrés par les croiseurs. Ils sont occupés, comme les Soumalis, sur les dépôts de charbon de Steamer-Point ou à bord des bateaux et des boutres ; ils n’offrent d’ailleurs dans leurs mœurs et leurs types aucune particularité intéressante.

Toutes les races, d’origines et de mœurs si diverses, qui composent la population d’Aden, vivent en parfaite intelligence avec les Anglais, hormis les Arabes, propriétaires dépossédés de la péninsule adénique et ennemis jurés de tous les peuples non musulmans. Malgré les traités signés, les sultans de Lahej et les tribus sous leurs ordres n’ont jamais montré des dispositions fort bienveillantes envers les Anglais, et à plusieurs reprises, depuis l’occupation britannique, ils ont tenté de reprendre Aden par un coup de main. D’autres fois ils ont voulu empêcher l’approvisionnement régulier de la ville par les caravanes de l’Yémen. Ces actes d’agression se continuent de nos jours, et les Bédouins persistent encore à recevoir à coups de fusil tous les Européens, même les touristes isolés qui, par simple curiosité, viennent s’égarer sur leur territoire.

En dépit de tant d’hostilités, les Anglais ont de plus en plus assis leur domination sur cette portion de la mer des Indes. En 1840, en vue des éventualités possibles de la question d’Orient, si agitée à cette époque, ils ont occupé les îles Moussah, dans la baie de Tajoura, à l’extrême limite sud du rivage abyssinien. À plusieurs reprises,