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reconnaître, ils avaient en commun confessé leur foi. Ces confessions, écrites et consenties avec réflexion, avaient été offertes au monde comme des manifestes et des symboles. Elles avaient, quelques-unes du moins, rallié des nations entières. Devenues ainsi comme un texte légal de croyance, elles étaient à leur tour une interprétation légale. Elles constituaient une orthodoxie. Il serait facile toutefois de montrer que ni l’autorité littérale de l’Écriture, ni une orthodoxie conventionnelle ne pouvaient contenir la liberté de la conscience chrétienne à ce point que la foi protestante fût à l’abri de toute dissidence et de toute variation. les hommes qui, vers le temps de la renaissance, ont déclaré que la religion du moyen âge ne leur suffisait plus ont par là même annoncé qu’il pouvait y avoir progrès, non dans la vérité chrétienne, mais dans la connaissance de la vérité chrétienne, et que la religion, immuable dans son objet, ne l’était pas dans l’esprit des hommes. Si cette idée était une erreur, les protestans seraient bien malheureux, car ils l’ont scellée du plus pur de leur sang.

Avec des protestans, il semble qu’il y ait une manière bien simple de savoir ce que c’est que l’Écriture : c’est de le demander à l’Écriture elle-même : mais alors on est assez troublé de reconnaître que l’inspiration du texte de l’Écriture n’est enseignée comme un dogme ou affirmée comme un fait dans aucune page du Nouveau Testament. On n’allègue qu’un verset d’une épître de saint Paul dont le sens est au moins douteux, et qui, même traduit comme le veulent certaines versions protestantes, n’aurait pas avec évidence la portée qu’on lui attribué. Il est bon de citer ce passage, afin de faire voir de quelles difficultés peut être entourée, sur quels fragiles fondemens peut être appuyée l’interprétation des vérités chrétiennes, lorsqu’elle a pour base unique l’examen grammatical des textes. Je traduis littéralement sur la Vulgate. Saint Paul exhorte le Lystrien Timothée à demeurer ferme dans l’enseignement qu’il a reçu. « Tu sais, ajoute-t-il, de qui tu as appris, et que dès l’enfance tu as connu les lettres sacrées qui peuvent t’instruire pour le salut par la foi en Jésus-Christ. Toute écriture inspirée de Dieu est utile pour l’enseignement, pour le raisonnement, pour la rectification, pour l’éducation dans la justice (II Tim. III, 15, 16). » Cette signification de la Vulgate est adoptée ou confirmée par saint Hilaire, par Origène, par la Bible de Mons, et la traduction de Sacy, qui est la plus répandue en France, dit en conséquence : « Toute écriture qui est inspirée de Dieu est utile pour instruire, pour reprendre, pour corriger, et pour conduire à la piété et à la justice. » La dernière et remarquable version protestante de M. Albert Rilliet offre le même sens.