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pape Jean XXII lorsque, dans sa bulle de canonisation de saint Thomas d’Aquin, il lui reconnaissait une infusion spéciale de Dieu ? Est-ce quelque chose de plus, est-ce quelque chose de moins ? Et serait-ce alors cette pensée plus simple que l’Écriture est l’expression écrite d’une révélation divine ? Voilà vraiment la question que l’Écriture elle-même n’a ni posée ni décidée, et comme cette locution de divinement inspirée, divinitus inspirata, se rend en grec par un seul mot, theopneustos, on appelle aujourd’hui la question que nous indiquons la « question de la théopneustie. »


II

On ne traite point ici du fond des choses, et ce n’est pas du christianisme, mais de l’interprétation de l’Écriture qu’il s’agit. On ne veut pas même, par l’artifice des conséquences extrêmes, tirer de la nécessité concédée d’une interprétation le droit d’examen illimité, et, parce que la raison et la conscience peuvent en définitive décider par là des choses de la foi, conclure que la raison et la conscience sont autorisées à tout faire, et que tout ce qu’elles peuvent, elles le doivent. Nul n’est plus convaincu que nous qu’en religion, comme en tout le reste, l’absolu ne convient pas à la nature humaine, et que les plus conséquens ne sont pas toujours les plus raisonnables. Nous voulons seulement rechercher quelle est la portée naturelle, nécessaire, de la doctrine de l’inspiration sainement entendue, puis faire connaître quel système d’interprétation en est récemment sorti dans les écoles protestantes et ne peut manquer d’exercer une sérieuse influence sur la science et l’intelligence de la religion.

J’ai déjà dit qu’ici je n’examine pas si l’Écriture est inspirée : je l’admets. Cela signifie qu’au moins pour le fond (l’expression n’est pas de moi) il n’y a dans l’Écriture que vérité ; mais qu’est-ce que le fond, et comment faut-il en juger la forme ?

On ne contestera pas que toute la religion, comme connaissance de Dieu, ne soit pas explicitement dans l’Écriture. La doctrine chrétienne n’y est pas tout entière, ou bien il ne faut entendre par doctrine chrétienne que la portion de vérité divine dont Dieu a jugé la révélation nécessaire à l’humanité. Les dogmes connus en supposent une foule d’inconnus. Point d’église qui n’enseigne que tout est plein de mystères. Si l’on voulait savoir comment sont possibles l’union et la distinction des personnes de la Trinité, comment s’accomplit le miracle de la présence réelle, ou seulement si l’on posait les problèmes fondamentaux de la théodicée, qu’aucun clergé ne défend d’examiner, la théologie scolastique elle-même, qui n’est pas timide, conviendrait que nous savons bien peu de chose sur ces