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à aucun titre être consacrée comme un dogme indiscutable, et il semblait que l’œuvre des nouveaux réformateurs fût toujours à recommencer.

Qu’avaient-ils fait en réalité ? Ils avaient révisé les décisions du temps, et, relisant avec des yeux nouveaux l’antique testament de la foi du monde, ils avaient, dans la sincérité de leur cœur, autrement compris le texte sacré. Aucune autorité ne les enchaînant au respect des altérations ou des interpolations qu’ils y croyaient apercevoir, ils les avaient rejetées sans scrupules. L’authenticité même des écrits leur avait paru susceptible d’un nouvel examen, et, trouvant que le catalogue des livres saints avait varié (Leibnitz du moins croit en avoir convaincu Bossuet), ils l’avaient refait. Que dans ce travail raisonné, fort analogue aux travaux de l’archéologie, de la philologie, de la critique, ils aient porté au XVIe siècle une foi vive et profonde, la haine seule peut le leur disputer dans son aveugle injustice ; mais à une confiance entière dans la parole de Dieu ils joignaient nécessairement une certaine liberté de penser sur la teneur, le sens, la portée de cette parole. En voulant cordialement épurer et affermir la croyance, ils perdaient le droit de fonder avec une parfaite conséquence une orthodoxie impérative et inflexible, et leurs synodes, en votant des symboles, ne pouvaient leur décerner que cette autorité extérieure et toujours au fond provisoire que le pouvoir civil prête à ses décrets. Ils ont pu être respectables et respectés comme le sont les lois qu’on doit observer, mais auxquelles la conscience et la raison ne sauraient être obligées de souscrire. Comment empêcher le chrétien évangélique d’étudier de nouveau ces Écritures qu’on lui prescrivait de lire et de méditer sans cesse, de les comprendre suivant les lumières de son esprit, et, s’il y voyait sincèrement autre chose que ce qu’y découvraient ses prédicateurs, de les soumettre à un examen plus réfléchi, de remettre à son tour en discussion la pureté des textes, la canonicité des écrits, la validité des explications, le sens des métaphores, la nature et le degré de l’inspiration ? Cela devait arriver ainsi, et cela est arrivé. Même pour le plus simple des fidèles, en pays protestant, la lecture de la Bible, c’est-à-dire la pratique la plus essentielle de la religion, est une continuelle exégèse : exégèse humble et modeste, volontairement contenue dans les limites des confessions de foi au sein de la plupart des familles ; exégèse novatrice et hardie, soit quand les passions suscitées par un prédicateur indépendant ou (par des circonstances provocantes font éclore des sectes nouvelles, comme des essaims à la chaleur du soleil, soit, en temps plus calme, dans l’enceinte studieuse où la science et la méditation enhardissent l’esprit et changent le cours des idées. C’est ce qu’on a pu observer en Allemagne et en Angleterre à des époques déjà