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milliards[1], et en frais d’autre nature qui ont détruit ou immobilisé le capital au moins 4 milliards[2] : total, 10 milliards en dix ans, soit 1 milliard par an. C’est certainement un chiffre supérieur à l’épargne du pays, qu’on évaluait à 600 millions par an ayant 1848, et que nous évaluerons aujourd’hui au double, à 600 et même 700 millions[3]. L’emploi du capital a donc constamment été en avance sur l’épargne, et plus les opérations commerciales ont augmenté, plus elles ont reposé sur le crédit.

Jusqu’en 1852 aussi, et même au-delà, on avait pu maintenir intacte la fameuse loi de 1807, qui limite à 5 pour 100 le taux de l’intérêt. Pourquoi a-t-on dû la modifier ? pourquoi a-t-on laissé la Banque de France élever le taux de son escompte comme elle le voudrait ? Parce qu’on a reconnu que les prescriptions de cette loi n’étaient plus en rapport avec le développement économique du pays, et qu’elles avaient pour effet, en gênant l’action de la Banque, de rendre à certains momens son concours impossible. Si, lors de la crise de 1857, la Banque de France n’avait pas été affranchie de ces prescriptions, si elle eût été obligée de laisser au maximum de 6 pour 100 le taux de son escompte lorsqu’il tait à 10 pour 100 en Angleterre, elle eut bien vite épuisé ses ressources. Le commerce n’aurait plus trouvé de crédit, et la crise aurait eu pour nous des conséquences autrement graves que celles qu’on a observées.

On peut bien, quand il s’agit d’une compagnie de chemin de fer, l’obliger à maintenir son tarif bas, quelles que soient les circonstances ; et si, grâce à cet abaissement, les transports se multiplient, la compagnie en sera quitte pour augmenter son matériel ; si cela ne suffit pas encore, on fera un nouveau chemin de fer dans la même

  1. On a emprunté 1 milliard 500 millions pour la guerre de Crimée, 500 millions pour celle d’Italie, sans compter les crédits supplémentaires pour les expéditions de Chine et de Cochinchine.
  2. Nous ne pouvons donner ici le chiffre exact ; mais quand on voit qu’on a dépensé 4 milliards en dix ans pour la seule industrie des chemins de fer, il ne parait pas exagéré d’évaluer à la même somme au moins ce qui a été employé par le développement de toutes les autres industries, en y comprenant les travaux des villes.
  3. M. Bonjean, dans un discours qu’il vient de prononcer au sujet du sénatus-consulte, évalue à 12 milliards les sommes qui ont été dépensées depuis 1852 ; seulement il considère à tort, ce nous semble, que parce qu’elles ont été dépensées, elles ont dû être épargnées, et il en conclut aussi à tort que la France s’est enrichie en conséquence d’un revenu supplémentaire de 600 millions par an. M. Bonjean oublie qu’il y a une distinction à faire entre les dépenses productives et celles qui ne le sont pas. Les 2 milliards qui ont été dépensés pour la guerre n’ont rien ajouté à la richesse publique, et on peut en dire presque autant de ce qui a été employé pour l’embellissement des villes.