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par an. Le pays était donc en avance sur ses épargnes, lorsqu’un déficit s’est manifesté dans la récolte des céréales. Ce déficit n’eût peut-être pas été de nature à nous créer des embarras sérieux, si Je pays s’était trouvé dans une situation parfaitement régulière, avec des ressources abondantes et réellement disponibles ; mais, venant s’ajouter à une situation qui n’avait rien de régulier, quoi qu’on dise, et qui avait déjà absorbé plus de capitaux qu’il n’y avait d’épargnes, il méritait d’être pris en sérieuse considération et un établissement comme la Banque de France, qui avait souci de sa responsabilité, devait y regarder à deux fois avant de laisser au crédit les facilités les plus étendues. On évaluait le déficit de la récolte à 15 millions d’hectolitres, et on calculait que, pour le combler, il fallait exporter au dehors une somme de 400 millions en espèces métalliques. Sans doute, s’il s’était agi de la prendre dans la poche de chaque individu, proportionnellement à la quantité de numéraire qu’il pouvait posséder, cette exportation de 400 millions, sur un stock métallique qui doit être au moins de 3 milliards 1/2, n’avait rien d’inquiétant, et on aurait pu ne pas s’en préoccuper ; mais ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Quand on a des paiemens pressés à faire en numéraire à l’étranger, on s’adresse à l’établissement financier qui en possède le plus et peut vous le procurer le plus vite : on s’adresse à la Banque de France, C’est elle qui momentanément est appelée à supporter en grande partie le poids des exportations de numéraire. Ce n’est qu’une avance qu’elle fait sans doute, et cet argent lui rentre plus tard par les mille canaux de la circulation ; il n’en est pas moins vrai qu’il s’opère dans sa caisse, pour un temps plus ou moins long, un vide qui peut avoir des conséquences graves, puisqu’à tout moment on peut venir lui demander le remboursement des billets et des dépôts. Ce qu’il y a de certain, c’est que, pendant le cours du mois de septembre 1861, la Banque vit son encaisse diminuer de 80 millions et son portefeuille augmenter de 74. Elle avait donc 305 millions d’espèces métalliques pour répondre non-seulement de 766 millions de billets au porteur, mais de 203 millions de dépôts, en tout 969 millions.

Devait-elle, en présence de cette situation, rester complètement impassible, et ne prendre aucune mesure de précaution, au risque de ce qui pouvait arriver ? Ce ne fut pas son avis ; elle éleva d’abord le taux de son escompte à 5 1/2, puis à 6pour 100, et elle crut devoir en outre se procurer pour 50 millions de traites sur Londres, de façon à empêcher d’autant les exportations de numéraire vers le royaume-uni. Néanmoins son encaisse perdit encore 20 millions pendant le mois d’octobre, et son portefeuille augmenta de 27. C’est une preuve, dit-on, de l’inefficacité de la mesure, puisque, malgré l’élévation