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nous ne voyons pas où serait le mal ; les prix n’en seraient que plus réguliers, plus conformes aux besoins véritables, et on ne verrait pas ces hausses excessives suivies de baisses non moins considérables, ce qui est désastreux pour tout le monde, pour le commerce, exposé à des soubresauts qui amènent toujours des ruines, et pour le consommateur lui-même, qui, en présence de ces fluctuations énormes, dont il ne se rend pas compte, est toujours tenté de crier aux accaparemens. D’ailleurs, nous ne pouvons nous lasser de le répéter, cette différence de 1 pour 100 dans le taux de l’escompte, qui suffit quelquefois à sauvegarder la situation de la Banque, qui a suffi dans la crise de cette fin d’année 1861, n’est rien pour le commerce sérieux ; elle ne peut arrêter aucune transaction, lorsque cette transaction est fondée sur un besoin réel. Qui oserait soutenir que les approvisionnemens de céréales vont manquer parce que ceux qui se livrent à ce commerce paieront 1 pour 100 de plus pour l’escompte de leurs billets ? Comparez la gêne que cette mesure impose à ce que pourrait être pour la Banque de France la suite de son imprévoyance, si, se laissant aller à accorder des crédits trop faciles, elle en arrivait à ne plus pouvoir rembourser ni ses billets, ni ses dépôts !

En définitive, qui se plaint de cette élévation du taux de l’escompte ? Est-ce le commerce ? — Il est évident que si l’escompte devait rester à un taux élevé, quelle que soit l’abondance des capitaux par rapport aux besoins, il y aurait un sérieux inconvénient, les affaires ne trouveraient pas le stimulant que leur donne le capital à bon marché ; mais lorsqu’il s’agit d’une mesure toute temporaire, qui souvent n’a pas même la durée d’une échéance commerciale, et qui a pour effet de conserver des ressources pour tous les momens ; lorsqu’il s’agit seulement pour le porteur d’un billet de 1,000 francs de payer (le taux de l’escompte étant porté à 6 au lieu de 5) 15 francs d’escompte au lieu de 12 francs 50 centimes, et même une différence moindre si l’échéance du billet est inférieure à quatre-vingt-dix jours, il n’y a pas lieu à des plaintes sérieuses de la part du commerce. Aussi n’est-ce pas le commerce qui se plaint. Ceux qui se plaignent, ce sont ceux qui usent d’un crédit qui est en dehors des attributions de la Banque, et qui n’a été établi depuis 1852 que par une dérogation à ses statuts ; ce sont ceux qui lui demandent des avances sur des valeurs de bourse, souvent afin de couvrir des excès, de spéculation. Pour ces gens-là, toute élévation du taux de l’escompte est en effet un coup qui les atteint, car la Banque, voyant ses ressources diminuer, sent le besoin de les réserver plus exclusivement au commerce, et elle restreint le maximum de ses avances : de là des liquidations forcées.