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LE COTON
ET
LA CRISE AMERICAINE

Parmi toutes les questions que soulève la crise américaine, celle du coton n’est certes pas la moins sérieuse. Près de dix millions d’hommes, appartenant à toutes les races de la terre, sont occupés à la culture du cotonnier dans les deux Amériques, sur les rivages de la Méditerranée, en Chine, dans les Indes orientales, et le produit de leur travail est mis en œuvre par dix autres millions d’hommes aux États-Unis, en Angleterre ; sur les continens d’Europe et d’Asie. Les intérêts les plus considérables, les problèmes politiques et sociaux les plus importuns se rattachent à la culture de cette plante. Si les nègres d’Amérique en effet continuent à recueillir le coton, leur servitude ne peut être abolie. Et les ouvriers de la Grande-Bretagne ne sont-ils pas exposés de leur côté à la famine, si ce même produit vient à leur manquer ? Ainsi, grâce à la culture du cotonnier, la prospérité industrielle de l’Angleterre paraît intimement liée aux progrès de l’institution servile, et cette puissance, qui a tant fait pour l’abolition de la servitude des noirs dans ses propres colonies, semble devenue le grand complice des planteurs du sud. On pourrait même croire que quelques Anglais malavisés, ont vu dans le déplorable incident, du Trent une excellente occasion de renouveler leurs approvisionnemens et de protéger l’esclavage en feignant de revendiquer seulement l’honneur du pavillon britannique. Et cependant le monde industriel juge la situation avec trop d’intelligence pour ne pas savoir que la guerre, et surtout une guerre