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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


31 décembre 1861.

Nous voyons s’achever tristement une année qui certes n’aura pas place parmi les olympiades brillantes et heureuses de ce siècle. La fâcheuse originalité de cette date de 1861, c’est d’avoir étendu à la plus jeune des sociétés modernes, à la grande république américaine, le malaise, l’incertitude, le travail de dissolution, l’esprit d’incohérence et d’extravagance dont souffre la caduque Europe. Le spectacle de la crise des États-Unis ne semble pas fait pour nous rendre plus sages ou mieux assurés dans nos voies de ce côté-ci de l’Atlantique. Manquant à la fois de prudence et d’entrain, nous ne finissons point les questions commencées. Nous ne savons si nous devons nous préparer à de nouvelles luttes militaires, ou si nous devons aborder avec une confiante ardeur les œuvres de la paix. L’esprit de révolution est aussi hésitant, on dirait presque aussi fatigué, que l’esprit de conservation. La mort d’un homme dont la figure grandit à vue d’œil de l’autre côté de la tombe a troublé et paralysé la révolution italienne. Faute d’hommes, les nationalités militantes et souffrantes s’arrêtent et vacillent dans les luttes qu’elles ont entreprises. Faute d’hommes, les gouvernemens ne peuvent ni prévenir ni surmonter les embarras qui grossissent devant eux.

Un mal singulier a d’ailleurs atteint tous les gouvernemens à la fois, le mal des finances surmenées, gaspillées, dilapidées. Presque tous les états s’aperçoivent en même temps qu’ils ont fait une consommation ruineuse de capitaux, et cependant ils n’ont ni la sagesse ni la force de s’arrêter dans leurs dépenses. Si l’on part de la Turquie pour aller jusqu’aux États-Unis, dans tous les pays on voit la plaie financière béante. La Turquie est victime d’une misérable, dette flottante de 2 ou 300 millions ; mais ces pauvres Turcs, que l’on dit exaspérés, sont au fond devenus si dociles sous la cruelle discipline de la misère, qu’en vendant une portion des immenses biens du clergé musulman, en aliénant des wakoufs, il ne serait pas difficile, si l’on