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ce régime, — a dit victorieusement M. Troplong dans son rapport sur le projet de sénatus-consulte, et cependant l’autorité du président du sénat n’a pu rassurer M. Brenier sur les périls que court la constitution ! Puis, comme si l’on répondait à nous ne savons quels invisibles et muets adversaires, on s’est cru obligé de défendre la politique financière de l’empire depuis son origine ; on a rappelé les 2 milliards empruntés sur rentes consolidées, et expropriant généreusement le mot célèbre d’une autre époque, la France est assez riche pour payer sa gloire, on s’est écrié : « Est-ce donc un argent mal placé que celui qui sert à payer tant de gloire, de grandeur et de générosité ? » Argent bien placé assurément, s’écrie un honorable sénateur, M, Bonjean, car il a révélé la richesse de la France, il a utilisé les épargnes du pays, épargnes si considérables que nous avons pu, suivant cet économiste enthousiaste, prêter en outre 5 milliards aux gouvernemens ou aux entreprises industrielles des autres pays, et que nous sommes devenus les banquiers de l’Europe. Enfin il n’est pas jusqu’à la dette flottante qui n’ait fourni matière à de consolantes répliques. Comparant le chiffre actuel des découverts à celui qu’ils avaient atteint sous de précédens régimes, on a prétendu que pour la plus grande partie on n’avait fait qu’hériter des dettes de ces régimes, auxquelles on n’avait tout au plus ajouté que 300 millions. Passant ensuite aux moyens de trésorerie à l’aide desquels ces découverts se transforment en dette flottante, l’on a témoigné presque l’intention de soutenir que ces moyens de trésorerie sont en quelque sorte des prêts forcés que le gouvernement est contraint de subir. L’état, un emprunteur nécessiteux ! Quelle erreur ! Il est débiteur malgré lui.

À nos yeux, ce n’est point dans ces diversions, qu’était le véritable intérêt du débat, la vraie question à laquelle on devait s’efforcer d’attacher l’opinion publique. Nous n’avons aucun goût à conjecturer quelles seront les conséquences constitutionnelles de la renonciation par laquelle la couronne abandonne, le droit de décréter des crédits, et de l’accroissement d’attributions que le corps législatif vient de recevoir. C’est à la pratique que se font, à vrai dire, les institutions politiques, et nous attendons patiemment que l’expérience nous apprenne la vertu de développement que le sénatus-consulte récemment adopté peut inculquer à la constitution. De même nous ne voyons aucune utilité à ces récapitulations complaisantes des emprunts contractés depuis dix ans ; une seule réflexion au sujet de ces emprunts eût été opportune : à quel taux ont-ils été négociés ? En moyenne, on n’a guère emprunté depuis dix ans qu’aux environs de 60 francs, tandis que le dernier emprunt négocié avant 1848 avait été placé à 75. Il y a dans ce rapprochement une leçon de modestie pour le présent, dont il est bon de profiter pour s’appliquer plus résolument à la réforme des finances. Nous ne saisissons pas davantage la justesse des distinctions que l’on fait sur les découverts et le motif de gloire ou d’excuse que l’on prétend tirer de ces